News17. August 2022 Cineman Redaktion
75e Locarno Film Festival : Le Pardo Verde remis à «Matter Out Of Place»
En 2022, une nouvelle statuette a fait son apparition au palmarès du Locarno Film Festival : le Pardo Verde WWF, décerné à un film qui, toutes sections confondues, reflète une thématique environnementale de manière particulièrement inspirante. Cette année, le Pardo Verde est remis à «Matter Out Of Place». Retour sur ce prix et les films éligibles.
(Article de Laurine Chiarini)
Un festival «Climate Neutral»
L’apparition du Pardo Verde WWF constitue une nouvelle étape vers davantage de durabilité. Le Festival s’engage dans ce domaine depuis plusieurs années : en 2010, la manifestation est devenue «Climate Neutral», une certification attribuée en Suisse par la Fondation myclimate. Cela signifie principalement mesurer et tracer l’ensemble des émissions de CO2, développer un plan de réduction et mettre en place des mesures de compensation en acquérant des crédits énergétiques dans des projets durables. Les contraintes sont donc plus d’ordre administratif qu’opérationnel.
Le léopard se pare de vert
Alors que consommation énergétique et déplacements constituent la majeure partie de l’empreinte carbone d’un tournage, le Pardo Verde se concentre aujourd’hui uniquement sur l’aspect artistique d’un film. Mais la durabilité ne se limite pas à l’aspect environnemental. La question de la relève, de la formation, de la diversité, de l’égalité ou encore de l’inclusion et d’un ancrage fort dans le tissu socioéconomique local, sont autant d’éléments que l’on peut retrouver dans le rapport de durabilité. Portant sur les années 2019 – 2020, il a été publié pour la première fois en 2021. Enfin, le Green Film Fund, seconde initiative développée sous l’égide du Locarno Green Project, offrira un soutien financier à des productions traitant de sujets liés à l’environnement. Son lancement est prévu en 2023.
«Matter Out Of Place» : Lauréat du Pardo Verde WWF
L’acronyme MOOP signifie littéralement «matière hors contexte». D’une esthétique à couper le souffle, les images du film rappellent celles du documentaire «Manufactured Landscapes». Les vastes paysages y étaient dus uniquement à la main de l’homme. Il y bétonnait à outrance, y exploitait la terre sans limite ou y déversait des tonnes de déchets.
En 10 lieux différents de la planète, le film offre un tour du monde des déchets et de leurs éboueurs. Sans commentaire, les longues séquences sont le plus souvent fixes. Elles nous forcent à contempler une beauté aux origines glaçantes. L’éboueur de rue tire péniblement sa charrette dans les rues au Népal. Des bénévoles ratissent le désert à la recherche du moindre débris après le festival Burning Man dans le Nevada. Ce travail de Sisyphe semble bien dérisoire face à l’ampleur de la tâche.
«É Noite na América (It is Night in America)» : Mention spéciale Pardo Verde WWF
En français, l’expression «nuit américaine» consiste à filmer de jour des scènes se déroulant la nuit grâce à l’utilisation de filtres. Dans le film de la Brésilienne Ana Vaz, les animaux sont poussés hors de leurs territoires naturels. La frénésie dévorante des humains grignoteurs d’espace les contraints de s’adapter à la vie urbaine de Brasília. Entièrement tourné en nuit américaine, le film redéfinit les frontières entre l’homme et l’animal. Qui, des deux, a envahi le territoire de l’autre?
Le film a également été conçu comme installation artistique prévue pour les musées dans une version raccourcie sur trois écrans. Il a été entièrement tourné en pellicule 16mm périmée, accentuant le grain de l’image, avec des couleurs d’origine aux teintes modifiées. Même si «É Noite na América» n’aura pas de sortie commerciale, il offre une seconde vie à de la pellicule considérée comme inutilisable. Cela devient en soi un geste fort et original qui à lui seul mérite que l’on s’y intéresse.
«Den siste våren (Sister, What Grows Where Land Is Sick?)» : Mention spéciale
La jeune Eira se met à lire secrètement le journal intime de Vera, sa grande sœur. Entrant petit à petit dans l’univers d’une jeune femme brillante, mais tourmentée, elle découvre un monde dans lequel le futur n’a pas de place. La santé mentale de son aînée se détériore graduellement. Aux amis, aux amours, à l’école et à famille vient s’ajouter l’éco-anxiété à la délicate période de l’adolescence.
Dans des séquences oniriques, les personnages, le visage couvert de tissus et de colliers à pampilles, se tiennent immobiles dans la forêt. Ces moments alternent avec les crises de plus en plus violentes et fréquentes de Vera. Le spectateur navigue entre cauchemar et utopie. Alors que Greta Thunberg se fait plus discrète dans les médias, l’homme maintient une position de force sur son environnement. Cela continue de faire ravages, aux impacts indirects encore souvent insoupçonnés.
«Delta»
La rétrospective avait été dédiée à Alberto Lattuada à Locarno en 2021. Son poignant «Le Moulin du Pô» brossait déjà un portrait des luttes intestines entre habitants du delta du Pô. Dans une région riche en ressources naturelles, les convoitises naissent facilement. Western écologique et drame moderne, «Delta» est l’histoire d’un affrontement. Braconniers et défenseurs de la nature luttent sur fond de racines et d’histoires de vengeance.
Tournées en hiver dans une lumière froide, les images laissent apercevoir ce qu’était la nature dans le passé. Quand le père d’Osso vivait de son métier de pêcheur, elle était riche en ressources. La beauté existe encore, notamment dans les séquences au drone survolant les oiseaux au-dessus des marécages. Mais le besoin de survie des uns pousse à l’exploitation sans limite des ressources naturelles. Face à eux, les autres tentant désespérément de défendre leurs terres d’origine.
Plus d'informations sur le Pardo Verde
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