Artikel28. November 2022 Cineman Redaktion
Comment le cinéma se détache de la réalité scientifique?
Science et cinéma ont depuis longtemps marché main dans la main, autant pour le développement technique que pour insuffler un ancrage réaliste aux films. Pourtant, par recherche de spectaculaire ou pour s’octroyer des facilités de scénario, des écarts plus ou moins importants ont toujours été réalisés au cours de l’histoire du cinéma. Alors du voyage interstellaire aux animaux tueurs, voici 9 célèbres incohérences scientifiques au cinéma.
(Un article de Kilian Junker, biologiste et critique de cinéma)
1 - Le loup sanguinaire
Le loup tueur. Voilà un thème redondant de la littérature, en particulier sous forme de conte, qui sera évidemment repris par le cinéma. Nourrissant les fantasmes des scénaristes, Ysengrin en a pris pour son grade tout au long de l’histoire, autant avec les courts-métrages de Disney tels que «Les Trois Petits cochons» (1933) jusqu’aux blockbusters comme le «Territoire des loups» (2011). Sanguinaire, disproportionné, à l’affût de l’humain, on y découvre une face du canidé sauvage bien loin de la réalité biologique du timide animal sociable qui peine à repeupler nos forêts européennes.
Une sale réputation, mais qui trouve une justification historique : les attaques de loups ont bel et bien existé à l’époque et les conséquences mortelles d’une morsure par un animal enragé n’a pu qu’augmenter la psychose. N’empêche qu’aujourd’hui de plus en plus de films prennent à contrepied cette image sanguinaire, à l’instar du dessin-animé «Le Peuple Loup» sur Apple TV+ ou encore le documentaire «Marche avec les loups» sorti en 2020 au cinéma.
2 - Le chien enragé
Pour la thématique suivante, restons dans le domaine des canidés pour évoquer, toujours dans le sous-genre horrifique des animaux tueurs, celui du chien enragé. «Cujo» en est l’exemple parfait : roman de Stephen King écrit en 1981, on y croise un Saint-Bernard particulièrement placide qui, après s’être fait mordre par une chauve-souris, attrape la rage et devient une véritable machine à tuer. Histoire adaptée au cinéma deux ans plus tard par Lewis Teague, sous le même nom.
D’un point de vue scientifique, l’intrigue reste peu probable. Outre le fait que la rage soit peu présente dans bon nombre de pays développés, des vaccins protègent bien souvent nos amis à quatre pattes de ce virus mortel. De plus, avant de rendre le chien agressif (un symptôme d’ailleurs pas toujours constaté), la rage a un temps d’incubation relativement long. Autant dire que sans l’imagination de Stephen King, peu de chance que le scénario de «Cujo» se réalise dans la réalité.
3 - L’attaque du requin
On connaît bien la comparaison : le moustique tue en moyenne 80'000 fois plus que le gros poisson chaque année. Et pourtant, le cinéma a toujours cette obsession du requin tueur : cela commence en 1950 avec «Killer Shark», puis explose avec le succès entourant «Les Dents de la Mer» de Steven Spielberg en 1975, jusqu’à se poursuivre aujourd’hui avec le récent «L’Année du requin» des frères Boukherma.
Si les films modernes incluent régulièrement des messages écologiques pour contrebalancer les massacres d’animaux dépeints à l’écran, il n’en reste pas moins que cette étiquette de bête tueuse colle salement à la peau des requins et n’aide pas à leur conservation. Peter Benchley, le scénariste des «Dents de la Mer», l’a bien compris et milite désormais pour la protection des océans, tout en regrettant amèrement l’effet qu’a eu son histoire dans l’esprit des gens.
4 - Les animaux trop humains
Ne pouvant les faire parler, il est bien aisé pour les scénaristes d’apposer aux animaux des traits humains pour en faire comprendre l’état interne. Cela donne par exemple des requins qui hurlent lorsqu’ils reçoivent des décharges dans «Les Dents de la mer 4», alors même qu’ils sont dépourvus de cordes vocales.
Et des tonnes d’autres exemples de tels anthropomorphismes ineptes, utilisés par des scénaristes cédant parfois à la facilité, émaillent l’histoire du cinéma. Il suffit pourtant de regarder le récent «EO» de Jerzy Skolimowski pour comprendre qu’il n’y a pas besoin de mille artifices pour émouvoir avec un animal. Mais assez parlé de bêtes terrestres, partons en quête d’espèces plus lointaines…
5 - Le parasitisme extraterrestre
Toute la saga «Alien», jusqu’au plus récent «Prometheus» ou «Alien : Covenant», surfe sur cette idée de parasitisme extraterrestre. Et nul doute que les scènes impliquant le Xénomorphe restent bel et bien gravées dans les rétines… Pourtant, d’un point-de-vue strictement biologique, l’idée même d’un parasitisme extraterrestre est hautement improbable.
En effet, la relation entre l’hôte et le parasite est extrêmement spécialisée et résulte d’un équilibre précaire : il suffit que l’hôte développe une défense immunitaire suffisante pour que le parasite s’éteigne et, au contraire, si le parasite est trop offensif, l’hôte meurt et par conséquent le second perd sa «maison». Une telle relation nécessite donc une durée de coévolution extrêmement longue, parfois chiffrée en millions d’années ! La pauvre Elizabeth Shaw qui débarque tout fraîchement du vaisseau «Prometheus» n’a donc que très peu de soucis à se faire de ce point-de-vue-là.
6 - Le clonage de mémoire?
Nous avons évoqué un peu plus haut la saga «Alien» et ce n’est pas la seule incohérence à relever. En effet, dans «Alien, la résurrection» de Jean-Pierre Jeunet, les scénaristes ont dû enchaîner les brainstormings pour trouver comment refaire venir Ellen Ripley à la vie et ainsi pouvoir prolonger la saga. La solution? Le clonage ! Un processus scientifique qu’on pourrait bien imaginer faisable dans un futur plus ou moins proche, si les nombreuses considérations éthiques qui l’entourent sont écartées. N’empêche que si le clone de Ripley aurait bel et bien tout son matériel génétique, il est absolument impossible qu’il soit également muni de sa mémoire ou victime de flashbacks… Amis scénaristes, potassez vos cours de biologie!
7 - Les invasions extraterrestres
Outre la représentation bien souvent humanoïde des extraterrestres, une autre aberration scientifique entoure régulièrement les films représentant les invasions aliens. En effet, il nous suffit de nous déplacer durant nos vacances et d’y déguster l’eau du robinet pour se rendre compte que notre propre organisme n’est pas forcément adapté à la microfaune bactérienne d’un autre pays.
En d’autres termes : la découverte plutôt désagréable de la tourista… Alors faire face à des bactéries, virus et protistes d’une autre planète? N’en parlons même pas! Il est fort peu probable que des êtres externes à la Terre soient adaptés face à ces myriades invisibles qui peuplent nos eaux, nos sols et nos organismes. Quelque chose que Steven Spielberg a d’ailleurs bien compris dans «La Guerre des mondes».
8 - Impact imminent
Les films sur l’espace accumulent comme peu d’autres les incohérences physiques notoires : explosions qui font du bruit, problèmes de gravité et d’atmosphères, c’est un véritable casse-tête pour les réalisateurs. Mais un scénario récurrent est l’écrasement d’une énorme météorite sur la surface terrestre, que ce soit dans «Deep Impact» ou dans «Armageddon» pour ne citer qu’eux.
Or si les astéroïdes géocroiseurs (qui peuvent donc potentiellement entrer en collision avec la Terre) sont nombreux, ils sont monitorés et surveillés de près par l’Agence spatiale européenne notamment. Il y a donc peu de chance d’être surpris par l’arrivée soudaine d’un astéroïde de la taille de ceux dépeints dans le film de Michael Bay, bien heureusement pour nous!
9 - Champignons magiques
De l’horreur («In the Earth», «Hannibal»…) à la pure comédie familiale (le récent «Jack Mimoun et les secrets de Val Verde»), les champignons ont souvent nourri l’imaginaire des scénaristes… Et si ce n’est en grande partie que des inventions pures et simples, il faut reconnaître que dans la nature, les champignons ont de quoi inspirer le cinéma. Outre les fameux hallucinogènes, l’exemple du champignon «Cordyceps», cette fois-ci bien réel, transforme les fourmis en de véritables zombies.
En effet, après avoir pris le contrôle de son système nerveux central, il contraint l’insecte à monter le long d’un brin d’herbe en hauteur. Là, «Cordyceps» le force à contracter ses mandibules pour qu’il s’y attache et une fois que cela est accompli, fait exploser la tête de la fourmi pour répandre ensuite ses spores, qui pourront ainsi se disséminer sur d’autres victimes. Comme quoi, il faut croire que la réalité est parfois plus tordue encore que la fiction.
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