Faudrait-il un mode d’emploi pour comprendre le talent de Leos Carax? Cinéaste aussi brillant que désarçonnant, il nous concocte une comédie musicale à la féerie poétique. En un mot: unique, comme cet enfant et cet opéra rock présenté en ouverture du Festival de Cannes.
Los Angeles, de nos jours. Henry (Adam Driver) est un comédien à la provoque facile et à l’humour féroce. Il y a Ann (Marion Cotillard), une cantatrice à l’aura internationale. Les deux forment un couple sous le feu des projecteurs, glamour et épanoui. La naissance de leur premier enfant, Annette, une fillette mystérieuse et au destin exceptionnel, va bouleverser leur vie.
Marion Cotillard expliquait que le tournage d’«Annette» n’a pas été une partie de plaisir: des exigences parfois difficiles à satisfaire. Le comédien Simon Helberg expliquait que «monter sur le plateau, c’était un peu comme aller à l’église.» Un tournage mouvementé, mystique, christique? Tout ce que Leos Carax réalise, n’en déplaise à certains, flirte avec le mystique. Son chef-d’œuvre «Holy Motors» (2012) rappelle la veine insaisissable de son auteur, sa prose singulière; Carax avait offert une sublime évocation de l’artificiel, des folles libertés et des contraintes du monde extérieur. De l’art, une vision et une plastique somptueuse.
«Annette» sonde le tragique et l’absurdité...
Chez Carax il réside un univers. Et comme son précédent, «Annette» est un film singulier, fait de fulgurances, où tout est offert sur un plateau bien garni de talent, de grandiloquence et d'énergie foisonnante. Sur un scénario de Ron et Russell Mael, du groupe rock des Sparks, Annette est lent et abrasif, à la poursuite d’un amour solitaire. La pellicule extrait tant de sentiments, tel un hymne anti et «néoromantique», collant à cette époque de folie où l’hypocrisie règne en reine sur sa cour. Un mélodrame chanté à travers une comédie musicale où un couple se déchire - et au milieu cet enfant à la voix miraculeuse. «Annette» est parfois si sublime, si profond, parfois ennuyant quand le récit traîne les pieds, qu’il paraît être une grande parabole du mariage - pour le meilleur et pour le pire; toxique et naïf.
Adam Driver, dans son costume d’humoriste, crache son venin de mégalo, chante sa jalousie et son cynisme dans un rôle qui s’avère complexe à endosser. L’acteur américain est l’homme face au reste du monde, un parangon du milieu du spectacle et ses travers, et avant tout face à Marion Cotillard, délicate, coqueluche du monde de l’opéra pour aimer un homme qui se déteste. Le mal et l’amour en guise de composition, de cœur atrophié et martyrisé par la romance et les sentiments. La vanité comme déclencheur - ou comme poison - d’un mariage sombre et artistiquement grandiose. Le résultat est profondément émouvant et «Annette» sonde le tragique et l’absurdité, où coule au milieu la noirceur d’une âme brisée.
4,5/5 ★
Depuis le 7 juillet au cinéma. Plus d'informations sur «Annette».
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