Kritik15. März 2021 Sven Papaux
Apple TV+: «Cherry» - Une odyssée shootée aux drogues signée des frères Russo
Tom Holland joue divinement dans «Cherry, le nouveau film des frères Russo («Avengers: Endgame»). Les cinéastes adaptent le roman semi-autobiographique de Nico Walker, ancien vétéran de guerre reconverti en braqueur de banque.
Cherry, un soldat infirmier (Tom Holland) qui découvre les horreurs de la guerre en Irak. À son retour, il n’est plus le même, il ne vit plus comme avant. Tout ce qui lui reste, c’est Emily (Ciara Bravo) son amour de toujours, sa raison de vivre. Une troisième chose viendra unir le couple: la drogue. Cherry entraîne Emily dans le chaos et pour subvenir à leurs besoins, l’ancien guerrier décoré va braquer des banques. Le début d’une infernale descente aux enfers.
Un gamin de 23 ans qui ne comprend pas ce que font les gens, s’avançant vers une banque pour la braquer: «tout est construit sur le vide» explique Cherry, jeune homme désenchanté, ayant abandonné sa jeunesse sur les champs de bataille. Dévasté de voir sa petite amie partir à Montréal et le laissant sur le carreau, il décide d’apposer son nom sur la ligne en pointillée de l’armée. Tel un Roméo transpercé par la douleur en voyant sa Juliette lui filer entre les doigts, Cherry laisse échapper un souffle shakespearien.
Ces pauvres gars transformés en chair à canon et débarqués au pays en mille morceaux...
«Cherry» transpose le sort réservé à ces pauvres gars transformés en chair à canon et débarqués au pays en mille morceaux. John Fitzgerald Kennedy disait: «ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays.» Pour ces guerriers estropiés, la question se pose également: «que fait le pays quand on a aidé son pays?» La phrase du défunt président des États-Unis résonne dans «Cherry», collant à l’existence d’un gamin sombrant dans la dépendance à l’héroïne. Durant un épilogue entraînant, l’excellent Tom Holland conte face caméra son destin et ses faits, le quasi-journal de bord d’un jeune adulte désabusé que J. D. Salinger n’aurait pas renié.
«Cherry», dans une première partie bien rythmée, épouse l’existence chaotique d’un zombie sur pattes, branché sur un mode braquage pour payer sa came et se shooter plus facilement. La dépendance aux substances illicites, pourquoi? Pour masquer ce fameux stress post-traumatique engendré par les sentiers de la guerre, par l’ombre froide de la mort. L’Irak pour le massacre, l’Amérique pour tombeau existentiel. La drogue pour gérer ses problèmes de guerre, l’ancien soldat repense à sa jeunesse : «tu te rappelles d’avant», alors qu’il est dans la vingtaine.
Le tourbillon infernal de l’héroïne...
De petites phrases qui font mal, qui appuient le désordre émotionnel dans lequel il végète piteusement. En l’aspirant dans le tourbillon infernal de l’héroïne, Cherry va également précipiter sa femme dans les eaux noires et glaciales de l’addiction. Dorénavant un couple de junkies, la chute n’est plus solitaire pour Cherry, mais en tandem. Démarre une odyssée hallucinée, que les frères Russo s’amusent à accentuer par de multiples effets de cadrage - parfois nauséeux.
Le script en lui-même de Jessica Goldberg ne casse pas des briques et la réalisation des Russo n’est peut-être pas flamboyante - bien qu’on sente une envie formelle de faire du cinéma (trop?), surtout après s’être affranchis de l’écurie Marvel, mais malgré la bonne volonté du duo Russo, la force du métrage émane d'un Tom Holland brillant et féroce sous les traits de cet ancien soldat, arpentant ses chimères emplies de violence. Alors nous, spectateurs, nous nous posons cette question: l’issue sera-t-elle heureuse ou tragique? Dans un métrage trop long et à la tension parfois absente, l’intérêt est de savoir comment notre glorieux éclopé va s’en sortir.
Une mise en scène stylisée...
Avec «Cherry» Anthony et Joe Russo en veulent, désirent s’en donner à cœur joie avec une mise en scène stylisée. Une entame convaincante, mais un manque cruel de vitalité en lançant le sprint final. Les effets visuels à tous les étages peuvent fatiguer l’œil, mais il est toujours appréciable de voir ce parti pris de narrer l’histoire avec plusieurs face caméra toujours plaisants, densifiant le récit d’un homme brisé et brisant à son tour ceux qui l’entourent.
3,5/5 ★
«Cherry» est à découvrir sur Apple TV+.
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