Kritik16. November 2023 Cineman Redaktion
Critique de «How to Have Sex», le consentement comme on l’a rarement vu au cinéma
Avec «How to have sex», film qui met en lumière la question du consentement comme on l’a rarement vu au cinéma, Molly Manning Walker a provoqué un petit électrochoc lors du dernier Festival de Cannes, où le film a été primé.
(Une critique de Marine Guillain au Festival de Cannes)
Tara (Mia McKenna-Bruce, excellente), Sky et Em sont trois amies britanniques qui fêtent la fin de leur année scolaire en s’envolant pour la Grèce. Elles atterrissent dans un hôtel bruyant à la clientèle jeune et festive; pile ce dont elles rêvaient. Le but de ces vacances aux airs de Spring Break? Enchaîner les fêtes, les nuits blanches, les cuites, les jeux idiots et les rencontres. Porter les tenues les plus sexy possibles, changer de look à chaque occasion. Et coucher, coucher, coucher, surtout pour Tara, qui est encore vierge.
Ce voyage de tous les excès a d’abord une saveur électrisante pour Tara… jusqu'au vertige. La jeune fille se retrouve rapidement mal à l’aise avec cet univers, ses diktats et l’hypersexualisation imposée par ce milieu festif. Prise dans une euphorie collective, la voilà aussi face aux pressions. Car lorsque tout le monde, ses amies les premières, scandent que le sexe «c’est si cool», a-t-elle vraiment le choix? Ne faut-il pas absolument «se débarrasser» de sa virginité?
Aussi en lice pour la Queer Palm, le film a remporté le prix Un certain regard au dernier Festival de Cannes. Pour son premier long métrage, la jeune réalisatrice de 29 ans utilise son female gaze pour dépeindre un portrait désenchanté de la jeunesse festive - sans porter de jugement pour autant. D’abord joyeux, coloré et léger, «How to have sex» plonge peu à peu dans une dimension dramatique. Après une première fois ratée (montrée partiellement, au compte-goutte, avec une grande intelligence), Tara ne parvient pas à exprimer son ressenti avec des mots, n’ose pas dire à ses amies que ça ne lui a pas plu et se renferme progressivement. Un processus qui passe essentiellement par de subtils jeux de regards.
Elle-même agressée sexuellement lorsqu’elle avait 16 ans, Molly Manning Walker capte ainsi la fin d’une forme d’innocence, en plaçant la question du consentement au cœur de sa docu-fiction. Si le public peut d’abord avoir l’impression d’être embarqué dans une grande beuverie amicale, il se retrouve ensuite pétrifié en étant mis face aux carcans dans lesquels les adolescentes se retrouvent enfermées, comme obligées d’aimer plaire, faire la fête, s’alcooliser à longueur de journée et s’envoyer en l’air. La mise en scène se révèle aussi immersive que maîtrisée, pour un sujet universel qui évoquera probablement des souvenirs inconfortables ou malaisants pour nombre de spectatrices. Malgré une sororité (pas toujours présente, mais) attendrissante entre les amies et une scène de fin qui laisse entrevoir un peu d’espoir, le triste «How to have sex» nous laisse dans un état de gueule de bois qui dure encore longtemps après la fin de la projection. La digestion sera longue.
4,5/5 ★
Depuis le 16 novembre au cinéma.
Plus d'informations sur «How to Have Sex».
Bande-annonce de «How to Have Sex»
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