Interview6. August 2021 Cineman Redaktion
Entretien avec Daisy Ridley - «L’éventail du genre féminin est tellement large»
Rencontre avec une icône contemporaine, drôle et à la bonhomie contagieuse. À l’affiche du film «Chaos Walking», adapté de la saga littéraire de l’américain Patrick Ness, Daisy Ridley, éternelle Rey de la saga «Star Wars», s’est confiée sur Zoom et en pleine pandémie, au sujet de ce nouveau film, de ce qu’il raconte de la communication, du masculin, du féminin, et de nos peurs.
(Propos recueillis par Théo Metais en février 2021)
Cineman - Étiez-vous initialement fan de la franchise? Et comment avez-vous découvert cette histoire?
Daisy Ridley - En réalité, j’ai d’abord lu le scénario et ensuite je me suis plongée dans les livres. Je trouve que Patrick Ness (NDLR: auteur de la sage littéraire et scénariste du film) fait un boulot remarquable lorsqu’il s’agit de s'adresser à un large public. On pourrait croire en effet que ce sont des romans pour adolescents, or les thématiques sont très adultes. Notamment cette conversation sur la masculinité et ce que cela implique d’être un homme dans ce milieu, ou encore ce regard porté sur la communication.
Qu’est-ce qui vous a plu dans le caractère de votre personnage Viola?
DR - Ce n’est pas quelqu’un qui prétend. Elle ne fait pas croire que tout va bien lorsque ça ne va pas. Viola est quelqu’un de brave, de juste et qui ne cesse de chercher à prendre contact avec son vaisseau. Même loin de chez elle et en territoire hostile, ce n’est pas quelqu’un qui a peur.
C’est intéressant de voir un personnage masculin ayant quelques difficultés émotionnelles...
On se souvient de vous dans l’émission «Rupaul Drag Race», parlant de la manière dont les personnages féminins étaient perçus à l’écran. Comment avez-vous justement perçu Viola?
Je pense que le mot “fort” (NDLR: Référence à l'expression "strong women" dans l'interview originale) a été employé un peu à la va vite. Ne serait-ce que parmi les femmes que je connais et côtoie, la formule pourrait avoir une myriade d’interprétations différentes. L’éventail du genre féminin est tellement large. Je ne dirais pas que c’est réducteur, mais plutôt que ça a été mal interprété. Et surtout, c’est associé à une seule et même chose, à savoir: un corps et un physique fort. Ceci étant dit, c’est une période intéressante, et il est plaisant de constater que les représentations évoluent à l’écran, et pas seulement pour les femmes. Et pour ma part, je suis ravie d’avoir la chance de pouvoir proposer différentes versions de ce que peut être une femme au cinéma.
Cela n’avait jamais été fait au cinéma...
On vous a vu ces dernières années à l’écran aux côtés de Kylo Ren, un type qui a du mal à gérer ses émotions et vous voilà une nouvelle fois aux côtés d’un personnage qui ne s’en sort pas non plus. Que pensez-vous que «Chaos Walking» nous enseigne de la masculinité aujourd’hui?
(Rires) Vous savez, je ne crois pas que seules les femmes soient sous-représentées. On dit aux hommes d’être fort et de ne jamais pleurer. Les morales sous-jacentes à ces phrases sont terribles. Finalement, c’est intéressant de voir un personnage masculin ayant quelques difficultés émotionnelles et surtout qui n’arrive pas à les cacher. Je crois qu’il y a quelque chose de magnifique là-dedans.
Et pour répondre à votre question, il me semble que «Chaos Walking» nous montre ce que la masculinité peut avoir à la fois de beau et de terrible. Il y a d’un côté le maire (NDLR: Mads Mikkelsen), un manipulateur et menteur qui contrôle son petit peuple. Et finalement, Tod est la meilleure version de ce qu’il peut être. Il est jeune, et s’embarque dans un incroyable voyage avec Viola. Il remet en doute tout ce qu’on lui a appris. Et cette relation, ce lien qui se crée. Il a choisi ce qu’il a pensé être bon. Mais, il dispose d’un esprit ouvert à tout, c’est difficile pour lui.
Et si le film décrivait la situation inverse: un monde dans lequel les femmes souffrent du Bruit. Qu’est-ce que ça aurait pu donner?
D’abord, je dois dire que j’aime la gent masculine, je ne la dénigre pas. J’imagine que les femmes pourraient peut-être endurer la chose un peu mieux. Je ne sais même pas si ça serait tellement un problème. Au final, c’est surtout un film sur la communication.
Quels ont été les challenges lorsqu’il a fallu porter le livre à l’écran?
Alors, j’ai eu de la chance, car il m’a été donné de voir un premier découpage du film dans lequel le Bruit n’était pas aussi présent que dans la version définitive. En effet, sans le Bruit, il n’y a pas d’histoire, et j’ai insisté pour qu’il ait une place plus importante. Je me suis dit qu’il devait être omniprésent, pour que l’on en comprenne l’oppression sans que cela devienne distrayant. Ça a été intéressant d’essayer de donner vie à ce Bruit à l’écran, car cela n’avait jamais été fait au cinéma. J’ai adoré participer aux réflexions pour imaginer quel pouvait en être le son ou ce à quoi ce Bruit pouvait ressembler. Et je dois dire que j’adore le résultat final.
Il est plaisant de constater que les représentations évoluent à l’écran, et pas seulement pour les femmes...
Et si vous deviez souffrir du Bruit, que seriez-vous effrayée de penser?
Heureusement, je n’ai pas d’idées noires, et je n'ai aucun problème avec ce que je pense. J’imagine, et comme plein de gens, je serais principalement concernée par la nourriture et aller me coucher (rires). Pas grand-chose d’intéressant vous savez. J'ai une personalité honnête et j’essaye d’être transparente vis-à-vis de ce que je ressens. Et je ne suis pas sûre de nécessairement vouloir voir ce que les autres pensent. On peut se parler, c’est cool, mais je ne veux pas voir le reste.
Après avoir été à l’affiche d’une franchise telle que «Star Wars», et avoir joué aux côtés du nouveau Spider-Man, seriez-vous intéressée par un univers comme Marvel?
C'est drôle parce que quelqu'un m'a demandé récemment et à brûle-pourpoint ce qu'il en était des rumeurs sur Spider-Woman, et j'ai répondu : "Oh, ça a l'air génial". Apparemment, je me suis déclarée favorite pour être Spider-Woman, ce qui n'est pas vrai! C'est drôle parce que je ne choisis pas vraiment les choses... Je n'ai pas cherché à faire un autre "grand film". J'ai simplement lu le scénario de «Chaos Walking», je l'ai adoré et j'ai aimé l'idée.
Donc si quelque chose débarque avec un joli scénario, évidemment que ça me tente. Je viens par exemple de terminer la série «Wanda Vision», et ce qu’ils ont fait est tellement incroyable, tellement différent, tellement intéressant, en particulier sur le travail de ce monde en constante évolution.
Depuis votre passage dans la franchise Star Wars, vous êtes incontestablement devenue un symbole de l’émancipation pour beaucoup de femmes. Comment ressentez-vous cela?
Ça fait énormément de bien. J’ai l’impression d’avoir eu un énorme coup de chance. Les étoiles, les planètes se sont alignées, je n'en sais rien. (rires) Un truc s’est aligné et j’ai joué le personnage de Rey. J’ai quand même l’impression que ça a été un travail d’équipe. Il y a tellement de monde autour de ce personnage. Elle a été créée par J.J (NDLR : J. J. Abrams), évidemment, et puis il y a toutes les équipes de maquillage, de costume. Mais enfin, je trouve ça incroyable d’autant que l’on vit à une période où les gens ont de plus en plus l’opportunité de voir leurs pairs représentés à l’écran. Au début, je me suis juste dit que j’avais juste l’opportunité de jouer un rôle incroyable, et finalement ça a eu une résonance très particulière avec le public. J’ai conscience de la chance que j’ai eu.
Le 4 août au cinéma. Plus d'informations sur «Chaos Walking».
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