Kritik6. Mai 2024 Cineman Redaktion
Critique de «Inshallah A Boy», enceinte à tout prix
Choisi par la Jordanie pour représenter le pays aux Oscars, le film d’Amjad Al Rasheed a conquis la critique lors de la dernière édition du FIFF, après son passage par Cannes et par le programme Industrie à Venise. L’actrice palestinienne Mouna Hawa est exceptionnelle dans son rôle de veuve prête à tout pour protéger sa fille et à tenir tête à sa belle-famille.
(Une critique d'Eleo Billet depuis le FIFF 2024)
À la mort de son mari, Nawal (Mouna Hawa) découvre que l’appartement où elle élève sa fille pourrait lui être retiré par son beau-frère, dans le cadre des lois sur l’héritage en Jordanie. En effet, sans héritier garçon, Nawal ne peut prétendre à l’entièreté du legs. Désespérée, la jeune veuve se tourne vers Lauren (Yumna Marwan), la fille de sa patronne, pour qu’elle l’aide à se faire passer pour enceinte, afin de repousser l’échéance.
Alors qu’il aurait pu passer pour un énième film social destiné au public occidental, dont la trame tragique dissimule l’absence de réflexions sur la mise en scène, «Inshallah A Boy» se démarque, au contraire, par la sensibilité avec laquelle Amjad Al Rasheed traite son sujet. Accents de thriller, esthétique froide ou encore passage de la ville à l’intime y sont pour beaucoup. Ainsi, la tension y est maîtrisée et surgit notamment dans l’enchaînement des scènes à la violence symbolique toujours plus importante envers Nawal, entre la manipulation et les pressions exercées par son beau-frère et l’impossibilité de se reposer. Et les spectatrices et les spectateurs n’ont pas plus de répit.
L’accumulation de malheurs qui accablent son personnage aurait pu paraître excessive, si le réalisateur n’avait su la contrebalancer par les liens touchants entre mère et fille, et par la solidarité féminine, en dépit des conflits de classe, qu’il représente. En effet, dans un pays où le divorce est presque impossible et où l’avortement est sévèrement puni, Nawal finit par se rapprocher de Lauren, tout aussi désespérée qu’elle, car discriminée parce que femme. Empruntant au «female gaze», Amjad Al Rasheed construit leur relation par des échanges de regard, des silences, et une pudeur rare et bienvenue dans la suggestion des violences.
Inspiré par l’histoire d’une proche, le réalisateur porte un regard tantôt critique sur le patriarcat qui ravage son pays, tantôt empathique sur son héroïne qui, ni martyre ni passive, cherche simplement à demeurer auprès de sa fille et à apprendre à conduire, dans l’une des plus belles scènes de film que l’on verra cette année.
4/5 ★
Le 8 mai au cinéma
Plus d'informations sur «Inshallah A Boy»
Bande-annonce de «Inshallah A Boy»
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