Interview12. August 2024 Cineman Redaktion
Karim Leklou sur «Le Roman de Jim»: «Les hommes doux sont peu mis en avant au cinéma»
Karim Leklou est à l’affiche cette semaine du film «Roman de Jim», une odyssée de la paternité mise en scène par les frères Larrieu. Rencontré au dernier festival de Cannes, le comédien se confie sur son expérience.
(Propos recueillis et mis en forme par Marine Guillain.)
«Un Prophète», «Le Monde est à toi», «Bac Nord», «Vincent doit mourir», «L’Amour ouf» (en salle dès le 16 octobre)... Les projets sur lesquels travaille Karim Leklou traversent les genres, se démarquant régulièrement par leur originalité. Dans «Le Roman de Jim», présenté au dernier Festival de Cannes, l’acteur de 42 ans incarne Aymeric, un type qui vit dans le Haut-Jura et tombe amoureux de Florence (Laetitia Dosch), enceinte de six mois. Quand Jim naît, Aymeric est là. Tous les trois passent de belles années ensemble, jusqu'au jour où Christophe, le père naturel de Jim, débarque...
Cineman : Adaptation du roman de Pierric Bailly, «Le Roman de Jim» se déroule sur environ 25 ans : comment avez-vous fait pour incarner Aymeric à des âges aussi différents?
Karim Leklou : Nous avons beaucoup discuté du scénario en amont avec les frères Larrieu, et puis il y a eu tout un travail avec l’équipe de maquillage et de coiffure pour traiter cette évolution d’âge. Pour moi, l’âge qui me posait problème était la vingtaine, car je m’en sentais trop loin. Nous avons donc trouvé une convention avec le public en nous appuyant sur une voix off. Aymeric dit : «J’avais 20 ans, mais je ne sais plus trop à quoi je ressemblais». Nous sommes donc dans un souvenir, alors effectivement, la personne que l’on voit à l’écran n’a pas 20 ans, mais ce n’est pas ce sur quoi on s’arrête.
Qu’est-ce qui vous a touché dans le personnage d’Aymeric et dans son histoire?
KL : C’est un résilient, un gentil, qui fait face aux choses qui lui arrivent et qui a juste pour ambition d’essayer de vivre. Le fait que, justement, le récit s’étale sur 25 ans, m’a permis de construire une grande palette d’émotions, avec une vraie complexité et diversité à jouer. Et puis c’était l’occasion de parler de personnages qui sont peu mis en avant dans le cinéma: les hommes doux. La manière dont Aymeric est traité par les frères Larrieu en fait un personnage très beau, que j’avais envie de défendre.
Comment vous êtes-vous projeté dans les enjeux de la paternité d’Aymeric?
KL : Aymeric commence par passer une soirée avec Florence, il se retrouve à assister à l’accouchement, puis à essayer d’être père, à apprendre à l’être, puis le père biologique revient, cela modifie tout l’équilibre… Il n’avait rien présagé de tout ça. À ce moment, on ne l’invite plus à être ce père qu’il était. Pour moi, il y a là un vrai sujet très intéressant autour du sentiment d’illégitimité.
Il y a aussi le sujet du lien…
KL : Oui, c’est complètement le thème du film! Dans une société, le lien est hyper important, ce qui rend «Le roman de Jim» très universel. Il évoque le lien qui se crée, se défait, se rompt et se recrée, ainsi que la manière dont l’amour peut profondément marquer une vie. C’est un mélo qui n’a pas la volonté d’être un tire-larme. Il ose l’humour, il est pur et sincère.
Le film, particulièrement à travers le personnage de Florence, propose un regard qui sort des schémas normés : qu’est-ce que ça vous évoque?
KL : Je crois que Florence interroge sa vie de façon permanente et elle a cette honnêteté d’essayer de vivre comme elle l’entend. Ce personnage féminin épris de liberté est un anticliché de la femme montagnarde telle qu’on a pu la voir au cinéma. Laetitia Dosch est une actrice dingue, qui a beaucoup de sous-couches de jeu et qui apporte beaucoup de complexité à ce personnage.
La musique est un fil rouge dans le film, l’avez-vous ressentie?
KL : Oui, car elle représente le passage du temps. Il y a d’abord la musique de Bertrand Belin et La ballade de Jim d’Alain Souchon, qui incarnent Aymeric, le père, puis lorsque Jim grandit, son univers est représenté par l'électro de Shane Copin, un jeune compositeur de 23 ans qui rejoint le film une fois le tournage terminé. Je trouve qu’il a visé hyper juste, sa musique accompagne les émotions et le corps d’une façon très sensorielle.
Le tournage s’est déroulé dans le Haut-Jura, pas loin de la Suisse…
KL : Oui, j’ai été ému de tourner dans cette belle région. J’aime me laisser surprendre par les univers différents de ce que j’ai déjà fait auparavant, essayer de nouvelles choses. Je choisis des projets qui m'interpellent et qui me questionnent, je n’ai pas envie de me cantonner à une seule façon de faire.
Justement, est-ce facile de se diversifier et de ne pas se répéter?
KL : De toute façon, il n'y a pas un tournage qui ressemble à un autre, chaque personne et chaque propos a sa singularité. Quand je pense à Romain Gavras, Cédric Jimenez, Clément Cogitore, Rachid Hami, les frères Larrieu, Gilles Lellouche… je dois beaucoup aux réalisateurs avec lesquels j’ai travaillé. Je pense vraiment qu’un acteur est nourri par les metteurs en scène qu’il côtoie et les plateaux qu’il traverse.
A découvrir au cinéma à partir du 14 août
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