Kritik15. September 2023 Cineman Redaktion
Critique de «Le Comte» sur Netflix, quand Pinochet se prend pour Dracula
Pour la cinquième fois dans sa carrière, le Chilien Pablo Larraín présentait son nouveau film en compétition à la Mostra de Venise, une comédie noire dans laquelle le Général Pinochet est dépeint comme un vampire. On fait le point sur «Le Comte» («El Conde»), un long métrage à découvrir sur Netflix.
(Une critique de Damien Brodard, depuis la Mostra de Venise)
Pour la cinquième fois dans sa carrière, le Chilien Pablo Larraín présente son nouveau film en compétition à la Mostra de Venise, une comédie noire dans laquelle le Général Pinochet est dépeint comme un vampire.
Augusto Pinochet (Jaime Vadell) est un vampire de 250 ans qui en a assez de vivre. Après des années passées à la tête du Chili et ne supportant plus l’image qu’il renvoie au monde, «Le Comte», comme il aime se faire appeler, décide de simuler sa mort et de disparaître définitivement. Toutefois, la cupidité de sa famille et de son entourage risque bien d’obstruer sa volonté et de remettre en lumière ses crimes atroces.
Pablo Larraín est un conteur. Dans la continuité de ses œuvres précédentes, le réalisateur chilien choisit d’aborder une figure historique par le prisme de la fable pour mieux faire apparaître les problématiques que lui évoque son personnage. On peut dire que jamais cette démarche n’avait été poussée aussi loin dans sa filmographie qu’avec «Le Comte», dans lequel la satire et le fantastique révèlent les cicatrices profondes de son pays natal. Comme une ombre menaçante qui plane toujours sur le Chili, le Général Pinochet continue de corrompre les esprits cupides et de vampiriser les citoyens.
À l’image d’un «Jackie» (2017) ou d’un «Spencer» (2022), le long métrage se veut très cérébral, mais à la différence de ces derniers, le second degré et l’humour noir omniprésent rendent cette nouvelle œuvre plus amusante et chaleureuse, malgré la complexité du propos. Tout en se réinventant au niveau du ton, Larraín ne manque toutefois pas de rappeler les nombreux crimes du dictateur, si bien que par moment le tempo comique et la fluidité de la narration se voient enrayer par des discours à charge très appuyés.
«Le Comte» ne brille pas uniquement par un concept inattendu soutenu par la malice de sa distribution, puisque du côté de la mise en scène, le réalisateur use de toute son expérience pour livrer une œuvre visuellement époustouflante. Entre la caméra spectrale et virevoltante, la direction artistique baroque rehaussée d’un brin de folie, et bien sûr la splendide photographie d’Edward Lachman, offrant un noir et blanc tout en contraste qui pourrait rappeler par instants les grands classiques de l’horreur, le spectacle en vaut clairement la chandelle.
Du Pablo Larraín pur jus, et donc une œuvre qui ne manquera probablement pas de diviser le public, mais dont les émotions si ambigües que procure la beauté des images couplée à la malfaisance de la ribambelle de personnages rocambolesques risquent de laisser un souvenir impérissable, que l’on y soit sensible ou non.
4/5 ★
À découvrir depuis le 15 septembre sur Netflix.
Bande-annonce de «Le Comte»
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