Kritik8. Januar 2021 Camille Vignes
Netflix: «Pieces of a Woman»: Sous le pont Mirabeau coule la Seine. Et nos amours
Les cinéphiles se souviennent certainement de «White God» et de «La Lune de Jupiter», deux longs-métrages signés et acclamés de Kornél Mundruczó. Parce que ces œuvres proposaient déjà un renouveau de certains codes cinématographiques, l’acquisition de «Pieces of a Woman» après sa présentation à Venise en septembre dernier est déjà une des plus belles nouvelles de 2021 pour Netflix. Une manière pour la plateforme de conforter sa place dans la course aux Oscars avec un film intimiste et puissant.
«Piece of a Woman» raconte l’histoire de Martha (Vanessa Kirby), une femme dont l’accouchement à domicile vire au cauchemar alors qu’elle met au monde un enfant mort-né. Alors qu’elle tente tant bien que mal de se relever de ce traumatisme, elle subit les attaques et les violences puis l’abandon de son compagnon (Shia LeBeouf), incapable de faire son deuil, terrifié à l’idée de perdre cette histoire en tournant la page et enraciné dans des schémas d’autodestruction, et les pressions aberrantes d’une mère moralisatrice et dominatrice. Au milieu d’eux, Martha se débat avec la vie, et n’a qu’une seule solution: tenter de retrouver sa place en avançant à l’aveugle dans ce monde désenchanté.
Elle est frappante de perfection l’ouverture de «Pieces of a Woman», ce plan séquence d’environ treize minutes organique et intime, dans lequel l’entièreté de ce qui se jouera dans la suite du métrage s’amorce. Comme une valse liquide, l’onde du dispositif mis en place par le cinéaste épouse Vanessa Kirby, la laisse incarner un récit émancipatoire et sensible, politique par moment, nécessitant toujours de sortir d’un cadre moral et social bourgeois enserrant et destructeur.
La caméra de Kornél Mundruczó ne se calme jamais...
Et déjà dans ce premier plan séquence, l’avenir se dévoile: enserrant tantôt ses personnages, les laissant vaquer à leurs occupations de l’autre, laissant l’action venir à elle… la caméra de Kornél Mundruczó ne se calme jamais. Elle ondoie, nourrie par le liquide amniotique de cette tragédie. Et puis plus rien. Plus de bruit ni de mouvement si ce ne sont ceux des sirènes de l’ambulance et le silence implacable de la mort.
Entre immobilité et tournoiement autour des corps, le reste du métrage se démène avec ses propres problématiques et offre certes quelques métaphores un peu bourrines (celle du pont, de l’eau qui coule et du temps qui passe), mais permet aussi grâce à son habileté de donner à voir quelques très grands moments de cinéma. Au fond, la caméra danse avec Vanessa Kirby, avec ce personnage de Martha qui, par le mouvement, tente de renaître au monde.
Grands moments de cinéma...
Rares sont les moments où elle n’occupe pas l’image, et dans cette quête de souffle vital, dans cette lutte contre des pulsions de mort, les autres personnages sont évincés de l’image. Effacement progressif de l’homme, un Shia LeBeouf remarquable ramené en toile de fond, expulsé du cadre et devenant reflet puis s’évaporant dans les brumes d’un pont. Âpreté incroyable avec laquelle la mère se dévoile dans deux plans d’une dureté incroyable, qui disent tout de son caractère. Des plans fixes, l’un à table, l’autre lors du procès. Des plans qui mettent mal à l’aise parce qu’ils mettent à nu la terrible personnalité de cette mère, vue par les yeux de sa fille. Deux plans virtuoses qui animent tout autant le métrage que son plan séquence initial ou ses longues scènes non-coupées.
4,5/5 ★
Disponible sur Netflix.
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