Kritik18. September 2020 Camille Vignes
Netflix: «Ratched» - L’envol loin d’un nid de coucou
«Hollywood», «The Politician », bientôt «The Prom» et maintenant «Ratched», contrairement au reste du monde, l’année 2020 s’est montrée plutôt fleurissante pour Ryan Murphy. Présentée comme un préquel au célèbre «Vol au-dessus d’un nid de coucou», cette dernière série devait s’attarder à raconter les origines de l’infirmière en chef du film de Milos Forman, Mildred Ratched (jouée à l’origine par Louise Fletcher). Mais après trois épisodes, force est de constater que l’homme derrière «American Horror Story» s’est plus servi de l’œuvre multioscarisée comme un prétexte que comme un réel point d’ancrage.
Plus de dix ans avant d’être la cynique tortionnaire de l’Oregon State Hospital de Salem, avant de dispenser des «thérapies» des plus douteuses aux patients de l’institut et d’user avec beaucoup trop d’adresse de culpabilisation, qu’était Mildred Ratched? Comment est-elle devenue l’odieux bourreau imaginé par Ken Kesey dans son roman de 1962 puis dépeint superbement à l’écran par Milos Forman en 1976 ? La réponse, Ryan Murphy propose de la donner dans une série en huit chapitres macabres, dérangés, qu’on devine engagés dès les trois premiers, bien éloignés du fameux personnage d’origine.
Mais tout autant que l’esthétique très personnelle et particulière de Ryan Murphy, toujours à la limite entre le too much comique et l’angoisse absolue, c’est son admiration complète et totale pour le cinéma qui se dégage de «Ratched». Si sa série d’anthologie se propose de revisiter les mythes de l’horreur, celle-ci vient, dès le départ, parfaire le tableau, citant avec passion et respect les classiques d’Hitchcock. Qui n’aura pas reconnu «Psychose» dans le motel étrange ou demeure Mildred Ratched? Qui n’aura pas pensé à «Sueurs Froides» dans son utilisation de la couleur verte? Qui n’aura pas reconnu l’ambiance sonore des films noirs, la manière d’introduire les tueurs?
Une profonde réussite...
«Ratched» aurait pu être une série indépendante qu’elle aurait aussi bien vécue, tant elle s’envole loin des horizons de son nid de coucou. Plantée plus de dix ans avant les évènements du matériel original, elle s’en émancipe complètement, ne tente même pas d’en citer quelques références. In fine, il est impossible de voir les liens qu’entretiennent le film et la série. La seule raison valable que l’on peut imaginer à cette connexion, après trois épisodes seulement, pourrait être l’envie de Ryan Murphy de réhabiliter une histoire dont le point de vue est aujourd’hui profondément passé et misogyne, grâce à ses personnages féminins forts - celui campé par Sarah Paulson évidemment, mais aussi par Cynthia Nixon ou encore Sharon Stone.
Bref, en seulement trois petits épisodes, Ryan Murphy laisse déjà toute la palette de ses ambitions se dessiner. Entre révérence faite à l’histoire d’Hollywood, appropriation d’une œuvre majeure dans un but bien précis, profondément réfléchi, préoccupations sociales personnelles et volonté toujours bien présente de décortiquer la figure du monstre… «Ratched» est déjà une profonde réussite.
4,5/5 ★
Disponible sur Netflix
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