News18. September 2020 Sven Papaux
Netflix: «The Devil All the Time» - Quand le Diable nous prend par le col!
Enveloppé par la voix d’outre-tombe de Donald Ray Pollock, «The Devil All The Time» expire le mal dans sa forme la plus sèche. Une vraie perle de noirceur!
Knockemstiff, ce petit pan de terre niché sur une carte, où 400 âmes vivent une existence bien terne. L’Amérique rurale, profonde, qui voit revenir un certain Willard Russell (Bill Skarsgård), un soldat revenu du Pacifique Sud. Il rencontre Charlotte (Haley Bennett) dans un petit restaurant du coin. Le coup de cœur et ont un enfant nommé Arvin. La petite famille se retrouve terrassée par le cancer de Charlotte, qui entraine Willard dans un délire sacrificiel.
Derrière la petite maison des Russell, une petite forêt qui cache un tronc de prières. L’endroit où Willard ne cesse de se rendre pour prier. La prière en guise d’exorcisme existentiel. La voix de l’écrivain derrière ce thriller, Donald Ray Pollock, nous renvoie à la terrible barbarie de l’Homme. Par amour vengeur, par perversité; «The Devil All The Time» est une guerre psychologique et physique. Willard, revenu de l’horreur de la guerre, poursuivi par ce Marine crucifié tel Jésus brûlé par les flammes de l’enfer, symbolise la violence froide, sèche. Bill Skarsgård, au charisme semblable à un Michael Shannon, crève l’écran, intériorise ce chagrin. Traumatisé par les images de la guerre, sa foi n’est plus, de la chair à canon pour ses pensées négatives.
L’atmosphère pesante vous hante devant votre écran...
L’architecture du récit pensée par Antonio Campos s’ouvre à travers différents axes narratifs, dictés par la violence et la douleur. Il y a en première ligne les Russell, mais aussi le photographe pervers, Carl (l’excellent Jason Clarke), accompagné de sa partenaire Sandy (Riley Keough), la sœur de Lee Bodecker (Sebastian Stan). Outre ce petit triangle, il y a Roy, le prédicateur, le fanatique, magistralement campé par Harry Melling. Mais aussi Lenora (Eliza Scanlen), la demi-soeur d’Arvin (Tom Holland), dont la mère (Mia Wasikowska) a été sauvagement assassinée. Une galerie de portraits, un festival de gueules pulsant l’addiction au tragique. Des pécheurs qui respirent la mort, la foi s’entremêlant au mal: «Dieu sait où vont les âmes perdues. Peut-être proche du Diable» dégoise Sandy sans conviction. Des corps décharnés, des visages qui se croisent dans l’âpreté d’une région où les odeurs pestilentielles vous agressent le nez, où l’atmosphère pesante vous hante devant votre écran.
«Il se dit que Dieu voulait plus que des prières et de la sincérité. Il était l’heure du sacrifice» dit Pollock en voix-off. La foi dans son écrin de noirceur. Le sacrifice pour garder les siens autour de soi. Il faut se rapprocher de la mort pour la sentir à plein nez. C’est exactement ce que Campos déballe dans une œuvre faite d’illusions, filmée de manière brute, de manière sèche. Pas d’artifice, juste une violence crasse, les pieds dans la boue et le regard plongé dans un délire religieux. Un appel de Dieu mais drainé par le vice - Le Diable, tout le temps. Roy et le Révérend Preston Teagardin - Pattinson étincelant - sont, par exemple, les extrêmes d’une foi faussée par la cruauté humaine - Campos a cette volonté d’extraire la face la plus sombre de chacun de ses personnages.
Un film endiablé, tentaculaire...
Le seul petit bémol est peut-être l’absence de plusieurs passages du livre qui auraient sans nul doute densifié le film. On pense au passage où Willard échange avec le chauffeur de bus sur sa découverte du Marine crucifié, chargeant l’histoire d’une détresse sourde; ou encore plusieurs personnages qui manquent à l’appel. Mais l’idée était d’alléger au maximum le scénario pour le fluidifier et offrir une vision d’ensemble resserrée. Persévérer dans cette avancée terreuse pour vous mettre KO grâce à sa puissance et sa mise en scène aride. Un film endiablé, tentaculaire, qui aurait scintillé encore plus en mini-série tant il y a à boire et à manger dans ce bouquin.
4,5/5 ★
Disponible sur Netflix
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