Kritik18. Oktober 2021 Sven Papaux
«Pleasure» - L’industrie du porno en mode féministe
Quel film étonnant. Tamponné du label Cannes 2020, «Pleasure», de Ninja Thyberg, conte l’ascension d’une Suédoise de 20 ans prête à tout pour percer dans le milieu du porno à Los Angeles. Attention, laissez votre pudeur au vestiaire.
Une jeune Suédoise, Linnéa (Sofia Kappel) alias Bella Cherry, débarque à Los Angeles pour faire carrière dans l’industrie du cinéma…pour adultes. Un désir ardent d’attirer les regards et d’atterrir tout en haut de la pyramide du business. Mais cette détermination la catapulte dans un milieu toxique, où le plaisir n’existe plus, ou comme vulgaire sentiment éphémère.
Et il y a de quoi être surpris dès l’entame. Le travail de Ninja Thyberg s’articule autour d’un sujet bien précis : la sexualité comme prisme des passions sociales. S’élever dans la pyramide, grâce à des coïts, grâce à de la masturbation filmée ; la réalisatrice exprime et décrit la férocité de ce milieu, son côté affreusement dérangeant, parfois même exténuant à visionner. Sofia Kappel transmet cette sensation de transgression, ce désir d’exister à travers la performance physique. Or, derrière ce choix étrange, Thyberg ne juge jamais son sujet, elle ne cherche pas à placer une raison pathologique, ou le fameux syndrome du « daddy issue » dans la conversation. Jamais. Linnéa a simplement une envie de s’embarquer dans cette industrie.
Une belle leçon sur la condition générale de la femme
Bella va découvrir les astuces, grâce un premier temps à sa colocataire Joy (Revika Anne Reustle), et surtout (apprendre) à se responsabiliser coûte que coûte. Une parabole féministe dans cette branche crasse, qui sculpte une « déshumanisation » de Bella. Telle une sportive de haut niveau, le culte de la performance grandit irrémédiablement. L’entrainement devient une obsession pour gravir les échelons ; la jeune Suédoise aux 25 tatouages démarre un processus d’enfouissement émotionnel pour attirer les regards des plus gros producteurs. Mais son désir de popularité sera mis à rude épreuve : un simple appel téléphonique avec sa mère lui fera prendre conscience du chemin à parcourir. À travers le filtre de l’instant, tout se cristallise au fond d’elle, avec cette prodigieuse faculté de s’abandonner à…l’acte. L’abus, l’acceptation, voilà ces actes qui vont hanter la jeune femme bien décidée à ne pas faire marche arrière. L’ascension est pavée de sacrifices (physiques), et faut-il rappeler que l’exigence doit d’être sans faille.
Pour le spectateur, la situation est difficile à endurer. Mais derrière le déterminisme, il y a une femme qui délaisse sa naïveté pour agripper une liberté - assumée remarquablement par Sofia Kappel -, armée de son ambition inébranlable et d’une provocation allant crescendo. « Pleasure » dérange par son sujet, surtout par son traitement. Mais derrière les scènes osées, il y a la transformation de Linnéa en une nouvelle femme affirmée et courageuse, souhaitant se faire une place au soleil - et l’exemple est applicable dans n’importe quelle industrie. Là intervient une vision bien moins reluisante : l’exploitation de la femme sans son véritable consentement, ou son consentement forcé. Une belle leçon sur la condition générale de la femme et son abnégation sans faille pour atteindre ses objectifs.
3,5/5 ★
Le 20 octobre au cinéma. Plus d'informations sur « Pleasure ».
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