Chacun de ses films sont d’ordinaire très attendus, et avec un été privé de blockbuster, il est carrément vu comme un messie pouvant raviver la fréquentation en berne des salles de cinéma: Christopher Nolan nous revient avec son nouveau puzzle quantique intitulé «Tenet». Mais cette fois-ci, il est fort probable que le film divise très fortement.
Un agent secret anonyme découvre qu’une nouvelle technologie dépassant l’entendement a été mise au point. Malheureusement, sa simple existence ne peut signifier que deux choses: quelqu’un ou quelque chose souhaite la fin de toutes choses, et cette entité ne peut pas être de ce monde...
Difficile exercice que d’introduire un film comme «Tenet». D’abord parce qu’avec son intrigue et son concept redoutablement complexe, ses scènes d’action surprenantes et du haut de ses quasiment trois heures, il y a beaucoup trop à en dire, tant «Tenet» est riche et particulier, dans ses défauts comme dans ses qualités. Impossible d’être exhaustif, mais s’il y avait une essence à extirper du film, c’est qu’il est plus royaliste que le roi: en somme, plus Nolanien que tous les films de Nolan, extrémisant le boire et le manger typiquement servis par l’auteur, seul à la barre du scénario.
«Tenet» est riche et particulier, dans ses défauts comme dans ses qualités.
Ainsi, Nolan, qui n’a jamais brillé par la souplesse de ses récits corsetés à l’extrême et encore moins par ses dialogues, touche ici le fond et atteint un niveau purement et simplement exécrable. Pas une seule seconde parlée de «Tenet» ne sonne juste, et tout est prétexte à délivrer une explication mystifiante et lourdingue ou une maxime quantico-métaphysique à deux doigts du babillage de gourou Wacoan sous LSD. Même le casting est écrasé par la pesanteur de leurs répliques absconses, et il fallait bien John David Washington et Robert Pattinson, ici deux colonnes de charisme s’élevant jusqu’à Jupiter, pour réussir à les porter tant bien que mal et casser un peu la rigidité métallique du script, d’autant plus face à la caractérisation au lance-grenade de l’antagoniste «principal» (Kenneth Brannagh) et du seul personnage féminin (Elizabeth Debicki).
Et pourtant. Malgré tant de balles dans le pied, «Tenet» s’avère un excellent moment à passer, pour qui est capable d’ignorer les pires tics du style Nolanien (et l’auteur de ces lignes y est plutôt réfractaire). «Ne cherchez pas à comprendre, plutôt à ressentir», dit un personnage en début de film alors que celui-ci entame une phase particulièrement touffue de son déroulé. Nombreux sont ceux qui y ont vu un aveu d’échec narratif du film, admettant une incapacité à s’énoncer simplement. Mais si elle est cette condamnation, comme le chat de Schrödinger, elle est en même temps son salut. Car il suffit que «Tenet» abandonne enfin le langage des mots et commence enfin à employer celui des images pour que le spectateur soit emporté par une expérience rare du temps et de l’espace, à la limite de l’anomalie pour un blockbuster hollywoodien, tant les sphères abstraites conjurées par le film donne un vertige proche de l’effroyable, semblable dans ses envoûtements fantomatiques et sa mise en scène de l’invisible à Kaïro, pourtant un film radicalement différent.
C’est lorsqu’il explose à l’écran que «Tenet» devient alors indéniablement beau, spectaculaire
C’est en définitive lorsque «Tenet» se tait qu’il communique le plus, et sans ne rien vous gâcher de ce qu’il transmet, il révèle un sentiment infiniment triste jusqu’ici seulement entr’aperçu chez Nolan. C’est lorsqu’il explose à l’écran que Tenet devient alors indéniablement beau, spectaculaire (Nolan est ici au sommet de sa mise en scène de l’architecture contemporaine qui lui est si chère), magique, mais surtout, émotionnellement puissant, même en dépit d’un ultime dénouement aux petits pieds. Le plus impressionnant paradoxe de Tenet n’est donc pas physique mais artistique: transporter au bon endroit avec une œuvre empruntant le mauvais chemin.
3,5/5 ★
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