Review18. August 2021 Cineman Redaktion
74e Festival du film de Locarno : «Respect» - Sobre biopic sur Aretha Franklin
À Locarno, le programme tient d’un savant équilibre : d’un côté, le Festival du Film – et c’est son rôle – permet de découvrir et d’offrir une vitrine à des auteurs peu ou pas encore connus. De l’autre, une partie plus populaire de la programmation, totalement assumée, permet de toucher une plus large audience. Ainsi en va-t-il des films projetés chaque soir sur la Piazza Grande. Cette année, la file d’attente pour la comédie américaine «Free Guy», au degré d’inventivité frôlant le zéro, devait faire à peu près trois fois la longueur de celle d’un film comme «The Alleys», du réalisateur jordanien Bassel Ghandour, pourtant tout à fait abordable et de bonne facture. Projeté le dernier soir du festival, «Respect», biopic sur la vie d’Aretha Franklin (Jennifer Hudson), était programmé pour plaire au plus grand nombre.
(Critique par Laurine Chiarini.)
Dans une courte capsule diffusée avant la projection, la réalisatrice Liesl Tommy explique que « ce film est un hommage non seulement à la femme, mais aussi à la militante des droits civiques qu’était Aretha Franklin ». Curieux dès lors que les références à l’engagement civique de la chanteuse se fassent si rares tout au long du film. Dee, comme l’appelle sa famille, demande à Marthin Luther King Jr., ami de son père, la permission d’aller manifester dans la rue aux côtés des protestataires « plutôt que de se contenter de chanter pour eux ». Elle soutient Angela Davis, se produit gracieusement lors d’événements caritatifs : ce n’est qu’à la toute fin, sur fond d’images de la vraie Aretha Franklin, que l’on apprend qu’elle a notamment reçu la médaille de la liberté, plus haute distinction américaine pour un civil, en récompense de son engagement civique.
Penser qu’un sujet remarquable va forcément déboucher sur un film du même acabit serait se tromper dangereusement. Biopic hollywoodien aux images léchées et beaucoup trop long (145 minutes), «Respect» aligne chronologiquement et sans surprise les faits marquants de la vie de la reine de la soul : son talent précoce, un viol (et une grossesse qui s’en est ensuivie) subi à l’âge de 12 ans par un homme inconnu, les relations difficiles avec son chaperon et manager de père ainsi qu’avec son mari abusif Ted White, les «démons», comme les qualifie son entourage, qu’elle devra combattre sa vie durant, son besoin d’indépendance artistique et, finalement, son retour à l’inspiration et au succès avec son album filmé «Amazing Grace», disque de gospel le mieux vendu de tous les temps.
Biopic hollywoodien aux images léchées...
Avant ses débuts au cinéma avec «Respect», la Sud-Africaine Liesl Tommy était metteuse en scène de théâtre. Fervente défenseuse d’une plus grande diversité, elle a été la première femme à diriger un casting entièrement féminin à Broadway. Alors que son savoir-faire se reflète dans les costumes et les scènes de chansons, il ne permet pas d’éviter la superficialité. Si le film ne brille ni par son relief, ni par son originalité, il convient en revanche de souligner les performances vocales de la jeune Aretha, jouée par Skye Dakota Turner, et de la chanteuse adulte, interprétée par Jennifer Hudson. Au plus, les fans pourront s’amuser à repérer les inexactitudes par rapport à la vie de la vraie Aretha. Quant aux autres, mieux vaut réécouter sa musique ou visionner ses performances – par exemple le véritable et légendaire enregistrement du concert Amazing Grace tourné jadis par Sydney Pollack et restauré pour le cinéma par Alan Elliott en 2018 – pour redécouvrir la destinée hors norme d’une femme non moins remarquable.
2,5/5 ★
Prévu le 8 septembre prochain au cinéma. Plus d'informations sur «Respect».
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