Article2. Mai 2024

Avant le studio Ghibli, découvrez les débuts du maître Hayao Miyazaki

Avant le studio Ghibli, découvrez les débuts du maître Hayao Miyazaki
© Film Verleih Gruppe Waldner / «Lupin III: Le château de Cagliostro»

À l’occasion de la sortie de la version remastérisée de «Lupin III: Le château de Cagliostro» (1979) ainsi que de l’imminente distinction du studio Ghibli par une Palme d’Or d’honneur au Festival de Cannes, revenons sur les débuts du grand maître de l’animation japonaise, Hayao Miyazaki, de ses premiers pas dans le monde du cinéma à la création du studio emblématique.

(Un article de Damien Brodard)

Une vocation: les débuts de Miyazaki en tant qu’animateur

Né dans le Japon meurtri du début de l’année 1941, le tout jeune Hayao Miyazaki passe les premières années de sa vie ballotté par les affres de la Seconde Guerre mondiale, contraint notamment fuir avec sa famille la ville de Tokyo bombardée par l’armée américaine en 1944. Quelques années plus tard, alors qu’il se trouve sur les bancs de l’école, Miyazaki s’adonne à son passe-temps favori: le dessin. Le petit garçon apprécie en effet reproduire les personnages de ses manga-ka préférés, tout en essayant d’améliorer ses coups de crayon en esquissant ses propres planches de bandes dessinées. C’est à cette époque que son père, ingénieur en aéronautique et amateur de cinéma, l’emmène régulièrement en salles pour y découvrir les nouveautés.

Et un jour, le choc ! «Le serpent blanc» (1958), premier long-métrage en couleur d’animation japonaise, lui apparaît comme une révélation, ainsi qu’il l’explique en 1979: «C’est grâce à lui que j’ai choisi de devenir animateur. Au cours des quinze années qui se sont écoulées depuis, j’ai toujours eu un fil conducteur dans mon travail : “Regarder de la bonne animation, puis faire quelque chose qui la surpasse”». C’est donc dans cette optique que Miyazaki perfectionne sa technique et s’intéresse à la littérature pour enfants, en parallèle de ses études en économie et sciences politiques.

Il entame alors sa carrière à la Toei Animation en 1963 en tant qu’animateur intervalliste, c’est-à-dire la personne en charge des dessins se trouvant entre deux étapes importantes d’un mouvement. Là, sa vie prend un tournant majeur, puisque Miyazaki rencontre ses futurs collaborateurs, dont Isao Takahata – futur réalisateur de «Pompoko» (1994) ou «Le Tombeau des lucioles» (1988) – et Akemi Ota, qui deviendra son épouse. Il commence aussi à se montrer actif politiquement en accédant au poste de secrétaire en chef du syndicat des travailleurs de la Toei.

Hayao Miyazaki rencontre Isao Takahata, réalisateur de «Le Tombeau des lucioles», à la Toei Animation en 1963. © «Le Tombeau des lucioles»

Dix ans d’expérimentations

Divers projets s’enchaînent alors à la Toei avec Miyazaki en qualité d’animateur, le plus notable d’entre eux étant le long-métrage «Horus, prince du Soleil» (1968), inhabituellement destiné à un public adulte et à qui toute l’équipe avait voulu insuffler des messages politiques marqués. L’échec du film et les tensions avec la Toei poussent toutefois Miyazaki et Takahata à quitter le studio en 1971 pour faire leurs armes à travers le Japon durant une dizaine d’années.

Tout ne se passe pas immédiatement comme prévu bien sûr, certains projets sont avortés, dont une série sur Fifi Brindacier qui aura tout de même permis au duo de quitter le Japon pour la première fois de leur vie, direction la Suède. S'ensuivent de nombreuses séries animées qui seront bel et bien menées à terme. Parmi elles, on peut noter la première saison mettant en scène le gentleman-cambrioleur «Lupin III» (1971-1972) que Miyazaki coréalise en partie ; «Heidi fille des Alpes» (1974) qui nécessita un voyage en Suisse pour effectuer des repérages dans ce cadre exotique pour le public japonais ; ou encore «Conan, le fils du futur» (1978) seule série entièrement chapeautée par le maître et porteuse de ses préoccupations thématiques et politiques comme l’écologie.

«Lupin III: Le château de Cagliostro», premier long-métrage du maître Hayao Miyazaki © Film Verleih Gruppe Waldner

Un premier long-métrage: «Lupin III: Le château de Cagliostro»

Fort de son expérience acquise sur la série éponyme, Miyazaki est finalement chargé de réaliser «Lupin III: Le château de Cagliostro» (1979), mais en assume également la scénarisation ainsi que toute la création des décors. Avec ces multiples casquettes, l’artiste parvient alors à imposer sa patte et ses propres influences, la plus remarquable étant l’architecture du château empruntée au long-métrage français écrit par Jacques Prévert, «Le Roi et l’Oiseau», d’abord sorti en 1953, puis complété par son réalisateur Paul Grimault en 1980.

Le Japonais gardera cette imagerie dans un coin de sa tête durant toute sa carrière, l’utilisant occasionnellement dans ses œuvres, par exemple pour les armes apocalyptiques de «Nausicaä de la vallée du vent» (1984) ou encore pour les robots présents dans «Le Château dans le ciel» (1986). Ce film d’animation français a constitué au fil des ans une source d’inspiration fondamentale pour les artistes à travers le monde entier : difficile de ne pas y voir un hommage vibrant dans «Le Géant de Fer» (1999) de Brad Bird, pour ne citer que lui.

Miyazaki termine donc la mise en scène de son premier long-métrage en seulement sept mois, proposant au passage sa propre vision du personnage de Lupin III. Si la série ne jouit pas d’une grande renommée en Occident, elle est en revanche un immense succès au Japon. La réalisation de ce film représente donc pour lui une étape des plus cruciales. L’auteur du manga original, Kazuhiko Katô, dit Monkey Punch, déclara d’ailleurs à propos du projet : «Ils ont appelé Miyazaki pour en faire quelque chose de plus tourné vers le public enfantin». Katô aurait en effet préféré que le réalisateur reste plus proche de l’œuvre d’origine, plus violente et adulte que le résultat final, qu’il décrit comme étant ancré dans l’univers de Miyazaki.

Hayao Miyazaki © Frenetic Films AG

Un nouveau départ : la création du studio Ghibli

N’ayant jamais cessé ses activités liées aux mangas, Miyazaki reçoit l’opportunité de publier l’une de ses histoires en 1982, «Nausicaä de la vallée du vent», dans le magazine Animage, détenu par la société Tokuma Shoten. Ladite société, au fait des travaux du réalisateur et manga-ka, lui propose de produire un film adapté de son propre récit, qu’il mettra en scène en 1984 au sein du studio Topcraft. Le succès retentissant du long-métrage permet alors à Miyazaki et Takahata, resté à ses côtés durant toutes ces années, de fonder le studio Ghibli en 1985, emmenant avec eux les membres de l’équipe ayant travaillé sur Nausicaä.

«Ghibli», c’est avant tout un mot emprunté à l’arabe libyen pour désigner un vent chaud du désert du Sahara, le sirocco. Le choix d’un tel sobriquet s’explique, poétiquement, par le fait que Miyazaki souhaitait faire souffler un vent nouveau sur le monde de l’animation, alors qu’à ce moment-là au Japon, celle-ci était très principalement destinée aux enfants. De manière plus pragmatique, le nom «Ghibli» fait aussi référence au modèle d’avion de reconnaissance italien «Caproni Ca.309 Ghibli». Éternel amateur d’aviation ou encore d’Antoine de Saint-Exupéry, le réalisateur ne manquera pas d’y faire allusion dès qu’il le pourra dans la plupart de ses œuvres, «Porco Rosso» (1992) et «Le Vent de lève» (2013) en tête.

L’histoire qui suit, chacune et chacun la connaît. À force de travail et de films plus extraordinaires les uns que les autres, aux directions artistiques marquées et s’adressant à tous les publics, le studio Ghibli voit son rayonnement international croître de projet en projet. À 83 ans et désormais réalisateur de douze longs-métrages, Hayao Miyazaki s’est imposé comme l’un des artistes les plus importants de l’animation japonaise et mondiale, inspirant bon nombre d’artistes, qu’ils viennent du monde du cinéma ou d’autres horizons.

Bande-annonce de «Lupin III: Le château de Cagliostro»

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