Review21. Februar 2024

Berlinale 2024 : «Baldiga – Entsichertes Herz», le poignant souvenir d’un autre temps

Berlinale 2024 : «Baldiga – Entsichertes Herz», le poignant souvenir d’un autre temps
© Schwules Museum Berlin, Leihgabe Aron Neubert

Figure de la sous-culture queer berlinoise des années 80, Jürgen Baldiga reprend vie dans le film de Markus Stein, présenté dans la section Panorama de la Berlinale : un documentaire puissant !

En 1979, le jeune Jürgen Baldiga quitte son Essen natal et débarque à Berlin. Cuisinier et travailleur du sexe, il ne perd jamais de vue son grand projet : devenir artiste. L’appareil photo à la main, il capture des extraits de vie, des actes sexuels, des personnages au ban de la société. Mais alors qu’il commence à prendre son envole, l’épidémie de SIDA arrive dans la capitale allemande.

Jürgen Baldiga a marqué les esprits de son époque par ses photographies crues et sans artifice. Avec l’art et le sexe comme principales préoccupations de ses débuts berlinois, il n’hésite pas à coucher sur la pellicule les instants les plus charnels de son quotidien. Des photos personnelles, intimes, mais exposées aux yeux de tous.tes, que Markus Stein utilise aujourd’hui comme squelette de son long métrage documentaire : «Baldiga – Entsichertes Herz» («Baldiga - Cœur désarmé»).

Berlinale 2024 : «Baldiga – Entsichertes Herz», le poignant souvenir d’un autre temps
© Schwules Museum Berlin, Leihgabe Aron Neubert

Regroupées, puis réparties dans les chapitres qui composent l’œuvre, elles sont narrées en hors champs par une voix qui clame haut et fort les pensées de l’artiste. Extraits poignants de ses journaux intimes, ces dernières dévoilent ses joies, ses peurs, ses peines, ses amours et les offrent sans détours aux yeux du public. Ici et là, la rigidité des clichés est agréablement rompue par de courtes reconstitutions cinématographiques élégamment filmés. Pour un bref instant, les années 80 reprennent vie et laissent apparaître l’ombre de Jürgen Baldiga sans jamais clairement le représenter.

D’intéressants entretiens de proches de l’artiste rythment l’œuvre. Sa sœur, son ancien partenaire, ses ami.es, chacun.e partage une vision très personnelle et intense du personnage. À travers ces rencontres, ces échanges, c’est bientôt la vie même de la communauté queer berlinoise des années 80 qui est disséquée : une communauté déchirée par ses propres discriminations internes, par le rejet d’une masculinité trop douce ou d’une féminité trop exacerbée. Mais aussi, et surtout, une communauté frappée par la terreur liée à la propagation du VIH.

Alors présage d’une mort prématurée, la maladie a, dès 1984, empoisonné les veines du photographe. Son expérience est celle de millier de personnes. Rapidement, Markus Stein se focalise sur ce combat tristement perdu d'avance. Des médecins et des infirmières prennent la parole, encore hanté par les fantômes de toutes ses vies perdues, de tous ces jeunes gens partis trop rapidement. Au-delà d’un seul homme et d’une seule communauté, c’est bien le devoir de mémoire que Markus Stein souligne dans «Baldiga – Entsichertes Herz». Un devoir vital pour nous relever plus fort et avancer. Alors souvenons-nous !

4/5 ★

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