Berlinale 2024 : «Les Gens d’à côté» d'André Téchiné, 2Be flic or not to be

De retour à la Berlinale après «L’Adieu à la nuit» en 2019, André Téchiné s’attaque au sujet de la précarité dans la police. Une œuvre désenchantée malgré l’étoffe de son sujet.

Il y a quelque mois, Lucie (Isabelle Huppert), spécialiste en médecine légale au sein de la police, perdait son collègue et conjoint dans un drame. Après une longue réhabilitation en hôpital psychiatrique, elle se dit prête à reprendre du service malgré les réserves de son supérieur. Un jour, un jeune couple (Nahuel Pérez Biscayart et Hafsia Herzi) et leur petite fille emménagent dans le pavillon voisin. Lucie se lie d’amitié avec les nouveaux arrivants, mais elle découvre que son voisin est un activiste anti-policier au casier judiciaire rempli. Elle se trouve alors dans un conflit moral, malgré son envie de vouloir soutenir cette famille.

Fin chroniqueur des mœurs contemporaines, la cinématographie d’André Téchiné est à elle seule une radiographie sociale des cinquante dernières années. Une œuvre prolifique qui jalonne l’histoire du cinéma français. Et, à 80 ans, téméraire et caméra au point, l’ancien critique aux Cahiers du cinéma arpente, pour son nouveau long métrage, la montagne épineuse du malaise des adjoints de la sécurité de l’État.

Dans un rassemblement à Perpignan, des membres de la police égrènent pacifiquement les noms de leurs collègues disparus. On y croise le sourire morne de Lucie (​Isabelle Huppert), personnage en proie à un deuil intarissable. André Téchiné fait tremper son film dans un bain d’onirisme alors que Slimane, compagnon de Lucie, réapparaît parfois le soir, sous la forme d’un fantôme, au piano, un tee-shirt de Barack Obama sur les épaules. Et la volte de cette nouvelle famille pourrait bien permettre à Lucie de revivre à nouveau.

Avec un titre de mièvre téléfilm (cf. un thriller de 1996 avec Faye Dunaway pour ne citer que lui), si «Les Gens d’à côté» intrigue, c’est surtout pour sa prestigieuse distribution (quel plaisir de retrouver Hafsia Herzi après «Le Ravissement») et les ambitions plurielles de son scénario. Mais il se pourrait bien, et sans mauvais jeux de mot, qu’André Téchiné et son scénariste Régis de Martrin-Donos soient eux-mêmes tombés à côté de leur sujet.

Entre les manifestations contre la loi Travail en France en 2016 (auquel le cinéaste fait écho dans ce film), et les autres récents évènements (les affrontements liés au mouvement des Gilets Jaunes en 2018, ou le soulèvement contre la réforme des retraites), André Téchiné a certainement eu l’ambition de capter un morceau du réel tout en essayant d’atteindre l’humain.

Une étude de personnages pour cristalliser sur le vif une actualité brûlante - comme l'étaient d’ailleurs ses deux derniers films («L’Adieu à la nuit» et «Les Âmes sœurs») -, et aussi louable soit la démarche, «Les Gens d’à côté» manque cruellement de souffle et d'alchimie. Personnages féminins étriqués, interprétations stériles, origines sous-développées, dialogues récités par cœur, si l’étude fonctionne éventuellement dans l’exploration des éclatements familiaux, le film laisse un goût amer de pré-fabriqué.

2,5/5 ★

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