Review18. Oktober 2023 Theo Metais
«D'argent et de sang» sur Canal+, excellente série-dossier où se marchande le droit à polluer
Connue sous le nom de «l’arnaque du siècle», la nouvelle création originale Canal+ revient sur la désormais célèbre fraude aux quotas carbone en France à la fin des années 2000. On décrypte la série «D'argent et de sang».
Aux débuts des années 2000, un dénommé «Fitous l’Élégant» (Ramzy Bedia) ouvre des comptes à l’étranger pour ses multiples entreprises. Manille, Panama; il dit faire de l’import export et ne signe naturellement pas l’ouverture des comptes de sa propre plume. Fitous utilise ce qu’il convient d’appeler des «gérants de pailles» et passe (presque) inaperçu. Joueur de poker de haut vol, dans le microcosme des juifs séfarades de Belleville, lui et son bras droit (David Ayala), mettent leur bagou au service d'arnaques à la TVA et aux panneaux solaires avant de tremper dans l’escroquerie des quotas carbone. Un projet qui les amène à croiser la route d'un certain Jérôme Attias (Niels Schneider), un richissime trader ashkénaze. En parallèle, un certain Simon Weynacher (Vincent Lindon), du service des Douanes, ouvre une nouvelle cellule d'investigation pour mener des enquêtes sur ce genre de malversations.
Des destins qui se croisent initialement dans le livre éponyme de Fabrice Arfi (paru au Seuil), journaliste français à Mediapart, qui en 2018 dévoilait au grand public les résultats de son enquête concernant «la mafia du CO2» et l'escroquerie d’envergure sur la bourse du carbone. Un marché financier (intitulé «Overgreen» dans la série) institué en 2005 par l'Europe pour décarboner l'économie et surtout coordonner le système d'échange de quotas d'émission. Loin du faste de Balzac, qui lui vaudra un César en 2022, le réalisateur d'«Illusions perdues», adapte librement le dossier du journaliste et réagence notamment la chronologie des événements. Il en découle une histoire haletante, empreinte des souvenirs de la série «Baron noir» et des grandes heures du cinéma d'investigation : «Les Hommes du président» (1976), «Dark Waters» (2019) ou encore «No Sudden Move» (2021).
Présenté en première mondiale à la Mostra de Venise en septembre dernier, «D'argent et de sang», dévoilera sur 12 épisodes (et une diffusion en deux temps), une enquête palpitante et bigrement cinégénique. Un format fleuve pour venir à bout d'une entorse à la TVA qui aurait couté pas moins d’1,6 milliard d’euros à l’État français à la fin des années 2000. De son ouverture à Manille, au récit singulier de l'ascension de Fitous (admirablement porté par Ramzy Bedia) et son tandem face à un hypnotique Vincent Lindon, il faudra passer la promesse un peu stérile du titre pour finalement apprécier une enquête tonitruante. L'occasion aussi de lever le voile, sinon de comprendre la mascarade organisée autour de l'échange des quotas d'émissions, autrement appelé les «droits à polluer». Pour son premier passage au format sériel, Xavier Giannoli réalise une fresque d’une grande force documentaire, au cœur d'un sujet par ailleurs peu documenté par la fiction.
Création originale, la première partie de la série «D'argent et de sang» est disponible sur Canal+ depuis le 16 octobre.
4/5 ★
Bande-annonce de la série «D'argent et de sang»
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