Review7. März 2022 Cineman Redaktion
Critique de «La Mif» : Les liens d'une famille de substitution
Elles veulent être vues, aimées, ou tout simplement prises au sérieux. Ces jeunes femmes d'un foyer suisse souhaitent pouvoir vivre leur vie en toute autonomie, à leur façon. Parfois, aussi, elles désirent juste agir comme des jeunes filles de leur âge et faire les folles. Le réalisateur Fred Baillif brouille la frontière entre œuvre de fiction et documentaire pour dresser un authentique portrait de ses attachantes protagonistes. Un long métrage qui ne laissera pas indifférent.
Critique de Teresa Vena
Une nuit, dans un foyer pour jeunes quelque part en Suisse romande, une fille et un garçon sont surpris par une éducatrice en plein acte sexuel. Le règlement stipule que l'autorité publique dont dépend le foyer doit être prévenue. Aussi, pour éviter les débats sur la sexualité de ses résidents et ne pas enflammer l'opinion publique à l'égard de jeunes, déjà considérés comme problématiques et négligés, l'établissement est maintenu uniquement pour les filles. Un incident symptomatique des difficultés et des tensions institutionnelles qui existent dans ce domaine.
Mais même entre filles, les conflits et les discussions animées ne manquent pas. Les raisons qui les amènent ici sont multiples. La plupart viennent de familles brisées, toutes essaient de surmonter un traumatisme propre. Le foyer, l’ensemble des autres filles, devient famille de substitution ; les éducateurs, en particulier la directrice Lola (Claudia Grob), se transforment en confidents, dont on exige un équilibre presque inhumain entre une proximité inévitable et la nécessité d’une distanciation professionnelle. Le réalisateur romand Frédéric Baillif aime travailler avec des non-professionnels et aborder des sujets de société. Sa patte d’ancien travailleur social se ressent dans son aplomb, son regard précis et le traitement si respectueux réservé à ses protagonistes.
Toujours très proche des personnages, mais jamais invasive, la caméra devient acteur de l'action. Elle laisse aux protagonistes l’espace de se mouvoir spontanément, sans retenue. Les filles, venant quasiment toutes réellement de foyers pour jeunes, ont imaginé leurs propres rôles et se sont inspirées de leurs propres expériences. Le scénario s’est écrit lui-même, petit à petit, par des moments d’improvisation. Le résultat, portrait dense et passionnant de jeunes femmes fortes et résolues, n’en est que plus impressionnant.
Malgré la gravité du sujet, la nature enfantine et joyeuse des jeunes filles ressort dans de nombreux moments humoristiques. En effet, «La Mif» ne met pas en scène des victimes en quête de compassion : sa grande force. Dans son long métrage, entre fiction et documentaire, Frédéric Baillif ne se laisse pas aller à la facilité. Il invite le spectateur à se pencher sur les réalités sociales, sur l'origine de tels destins, et nous n’en sommes que plus investis.
(Adapté de l'allemand par Maxime Maynard)
5/5 ★
Le 9 mars au cinéma
Plus d'informations sur «La Mif».
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