Review20. September 2024 Theo Metais
Critique de «Le Monde N’existe Pas» sur Arte, quand le malheur des un·es fait le roman des autres
Meurtre, média, fugitif et traumas. Dans «Le Monde N’existe Pas», Erwan Le Duc adapte le roman de Fabrice Humbert et signe une mini-série envoûtante avec Niels Schneider et Maud Wyler. À découvrir dès le 19 septembre sur arte.tv et à l’antenne le 26 septembre prochain. On décrypte.
Journaliste à la rédaction de Aujourd’hui Demain, la vie d’Adam Vollmann (Niels Schneider) est chamboulée quand les médias se passionnent pour un fait-divers survenu dans une bourgade du nord de la France. Une jeune femme du nom de Lola Mantès y aurait été tuée et le principal accusé n’est autre qu'Axel, son amour d’adolescence. Convaincu de son innocence, il part enquêter. Mais une fois sur place, Adam se retrouve nez-à-nez avec ses douloureux souvenirs, le harcèlement dont il fût la victime, et peut-être même ses harceleurs.
Une jeune femme disparait et une bourgade s’embrase. C’est à s’y méprendre, on croirait entendre l’entame de «Twin Peaks». Cinéaste singulier, Erwan Le Duc (l'excellente comédie «Perdrix» en 2019) met son sens de l’absurde, du surréalisme et de la tragicomédie au service du récit éponyme de Fabrice Humbert publié en 2020. Interrogé sur son roman, les médias et l’information dans l'émission La Grande Librairie, l’écrivain s’exprimait d’ailleurs en ces termes: «Pour la première fois à notre époque, nous avons la possibilité de créer la réalité». Et c'est au creux de cette singularité contemporaine que se love son roman, et aujourd’hui, l’adaptation sérielle.
Et si la vérité n’était rien d’autre qu’un mensonge opportun? À qui appartient d’ailleurs le récit de la vérité? La justice? La police? Les chaîne d’informations? Soi-même? Perdu dans le multivers du réel et obnubilé par cette affaire, Niels Schneider incarne un Adam crépusculaire, très juste, et tout en délicatesse, alors que son personnage marche sur les œufs de son adolescence. Pour déceler le vrai du faux, il rencontre une galerie de personnages fantasques, à l’image d’un chien prénommé “fou-le-camp”, d’une victime (Lola Mantès), du même nom que le film de Max Ophüls de 1955, de cet étonnant vidéaste compulsif (Julien Gaspar-Oliveri) et de Maud Wyler, épouse jubilaire du principal accusé.
Déployée sur quatre épisodes d’environ 50 minutes, «Le Monde N’existe Pas» nous parle aussi d’homophobie, de harcèlement scolaire, d’humiliation, de deuil et du marasme vénal autour de la disparition de cette jeune adolescente. Un peu méta, aux portes de l’onirisme et du réalisme magique, Erwan Le Duc orchestre une série aux multiples avenants pour rendre compte d’une époque assoiffée de violences, de récits, de fables et de chimères, et ce, bien souvent, au détriment même de ses protagonistes. «Le Monde N’existe Pas» questionne, au gros marqueur, peut-être, mais avec humour et un magnifique sens de la mise en scène. Coup de cœur!
À découvrir sur Arte le 19 septembre sur arte.tv et à l’antenne le 26 septembre
4,5/5★
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