News24. Mai 2019 Theo Metais
Cannes 2019 - Retrouvez nos critiques du 72ème festival de Cannes
Retrouvez-ici un condensé de nos critiques du Festival de Cannes 2019.
«Parasite» I Bong Joon-ho, amer et virtuose
Critique du film par Patrick Heidmann
Deux ans après sa production Netflix Okja, le réalisateur Bong Joon-ho retourne en Corée du Sud, et en très grande forme, avec son nouveau long-métrage : Parasite. On ne pourra que s’émerveiller de voir la magie avec laquelle Bong Joon-ho nous sert deux heures d’une surprise incroyable et la maestria avec laquelle il jongle entre suspens et divertissement, tout en y injectant d’innombrables niveaux de lecture. Un équilibre parfait, tous les acteurs, et même les vétérans de Bong Joon-ho dont Song Kang Ho, Choi Wook Shik ou Lee Jung Eun, sont prodigieux. Une caméra aussi de première classe avec Hong Kyung Pyo, lui qui jongle en maître entre les visuels luxueux de la propriété et l'insalubrité du trou familial souterrain. C’est bien simple, cette année, aucun film en sélection officielle n’a encore été aussi bien ficelé que cette satire complexe et virtuose.
«Chambre 212» I Vitrine d’un mariage décomposé
Critique du film par Sven Papaux
Présenté dans la section Un certain regard au Festival de Cannes, «Chambre 212» de Christophe Honoré est une fenêtre sur cour à la Hitchcock, façon amour usé et fragilisé par les années. Une œuvre étonnante, à la justesse parfois délicieuse. Après 20 ans de mariage, Maria (Chiara Mastroianni) et Richard (Benjamin Biolay) voient leur mariage s’étioler. Maria quitte le domicile conjugal pour s’installer juste en face, dans la chambre 212 d’un hôtel avec vue plongeante sur son propre appartement. L’occasion d’un retour sur son passé, une prise de conscience. Elle se demande si cette décision est la bonne. Pour lui répondre, des personnages de sa vie vont interférer avec sa solitude pour l’aider à répondre à ses questions.
«For Sama» I Un documentaire foudroyant, naissance parmi les bombes
Critique du film par Sven Papaux
Cette année en compétition, «For Sama» nous immerge comme rarement à Alep. De 2011 à 2016, Waad al-Kateab se faufile entre les bombes, entre les blessés, la misère. Un documentaire foudroyant, dédié à sa fille Sama. Le régime de Bachar el-Assad en a fait des victimes. La Syrie rebelle est écartelée par la guerre dès 2011, là où les étudiants de «l’Université de la liberté d’Alep», comme la nomme Waad, sont acculés par les bombes. Waad, journaliste, et son mari Hamza, médecin, donnent naissance à Sama. Pourquoi donner la vie alors que le pays est bientôt un no man’s land? Waad y répond à travers des reflets filmés, à travers les bombes et les morts. Derrière sa petite caméra, voire un premier temps derrière son téléphone portable, la jeune femme met en exergue cette brutalité inhumaine.
«Le Daim» I Quentin Dupieux et Jean Dujardin dans une farce absurde et 100 % daim
Critique du film par Lino Cassinat
Si Quentin Dupieux jouit de l’image d’empereur du WTF, cela fait quelques films qu’on ne rigole plus vraiment de la même manière. Derrière les logiques ineptes de ses farces se dessine, depuis Réalité et Au poste !, une angoisse ténue et labyrinthique, et la folie douce de ses deux derniers films laissaient place, dans leurs fins respectives, à une folie plus dure. « Le Daim » propose d’aller encore plus loin dans le rire crispé en organisant un angoissant télescopage entre Barton Fink et Henry, portrait d’un serial killer mais tendance snuff movie.
«Atlantique» I Grand Prix du Jury
Critique du film par Lino Cassinat
Aussi cliché que cela puisse paraître, une remise de prix n’est pas marquante sans sa récompense surprise décernée à un non-favori, à un «underdog» comme disent les anglais. Parfois prévisible voire attendue, l’édition 2019 de Cannes (excellente) a pris absolument tout le monde de court en remettant son Grand Prix (soit sa récompense la plus prestigieuse après la Palme d’Or) à l’ignoré « Atlantique », premier film sinueux et poétique de Mati Diop.
«Hors Normes» I La dernière séance toute en délicatesse d'Olivier Nakache et Eric Toledano
Critique du film par Lino Cassinat
Depuis le succès massif d’Intouchables, Olivier Nakache et Eric Toledano règnent en maîtres sur tout un pan du cinéma français ; celui d’une forme de comédie sociale pleine de bons sentiments, dont les détracteurs lui reprochent d’être consensuelle et inoffensive en plus de ne pas toujours être très délicate. « Hors Normes » pourrait, peut-être, changer cette image. Bruno (Vincent Cassel) et Malik (Reda Kateb) vivent depuis 20 ans dans un monde à part, celui des enfants et adolescents autistes. Au sein de leurs deux associations respectives, ils forment des jeunes issus des quartiers difficiles pour encadrer ces cas qualifiés "d'hyper complexes". Une alliance hors du commun pour des personnalités hors normes.
«Sibyl» I Une psychanalyste face à ses démons
Critique du film par Sven Papaux
Sibyl (Virginie Efira) est une écrivaine reconvertie en thérapeute. Une nouvelle activité qu’elle exerce depuis près de 10 ans. Mais être psychanalyste commence à la peser et elle décide de revenir à ses premiers amours : l’écriture. C’est là qu’intervient Margot (Adèle Exarchopoulos), une actrice en pleine détresse émotionnelle, enceinte de l’acteur principal, Igor (Gaspard Ulliel), lui-même en couple avec la réalisatrice. Une situation qui confronte Sibyl à son passé tourmenté et enfoui... La réalisatrice Justine Triet explore habilement les relations humaines. Des êtres névrosés, tristes, à bout, voire manipulateurs. Une fluidité d’écriture qui s’égratigne de la surenchère physique et sexuelle. Sibyl démontre néanmoins une réelle puissance émotionnelle.
«Frankie» I Puzzle familial
Critique du film par Sven Papaux
Encore méconnu du grand public Ira Sachs s’est taillé une belle réputation outre-Atlantique grâce à des œuvres douces, où l’amour se retrouve au centre. « Frankie », sa première incartade européenne, était cette année sélectionnée à Cannes en compétition. L’humilité est toujours là, dans un coin. Avec « Frankie », il est toujours question de cette dimension familiale chère à Ira Sachs, des liens parfois rompus et surtout d’amour. Alors quand cette actrice, Françoise Crémont, dit Frankie (Isabelle Huppert), se sachant gravement malade, décide de convoquer les membres de sa famille et ses amis à Sintra au Portugal, l’histoire révèle les contours d’une famille recomposée et tiraillée.
«Sorry We Missed You» I La roue de l’infortune de la classe moyenne
Critique du film par Patrick Heidmann
Si tout roule comme prévu, Ricky a un plan pour sortir du pétrin et un jour acquérir une propriété pour sa famille. Transporteur de colis, les paquets défilent à la chaîne, l’homme s'exécute comme un hamster dans sa roue. Éreintant, le job paie les factures et les dettes. Pourtant sa femme, infirmière à domicile, est au bord de la crise, étouffée, épuisée par la situation, et les enfants qui en souffrent. Ken Loach ne lésine pas sur la critique sociale. L’insistance et la force de l’image qui décrit ce cercle vicieux, dont la classe moyenne n’est plus seule prisonnière, fait mouche. Un long-métrage porté par les prestations magistrales de Kris Hitchen et Debbie Honeywood.
«Portrait de la jeune fille en feu» I Prix du scénario
Critique du film par Sven Papaux
Scénariste reconnue, réalisatrice respectée; après «Tomboy» et surtout «Bande de filles», Céline Sciamma fait étalage de tout son talent avec «Portrait de la jeune fille en feu», romance déchirante dans les années 1700 et prix du scénario au Festival de Cannes. Marianne (Noémie Merlant) est appelée par une Comtesse (Valeria Golino) pour brosser le portrait de sa fille, Héloïse (Adèle Haenel). Une affaire compliquée à réaliser: Héloïse est réfractaire à l’idée de poser. Le tableau étant destiné à son futur époux. Butée et résistante, Marianne devra la peindre en secret, suivre ses courbes pour rendre la toile la plus fidèle possible. Les deux femmes vont se jauger, se regarder, se découvrir. Une promenade, des indiscrétions, des secrets, une romance secrète. L’amour est à son apogée.
«Once Upon a Time... in Hollywood» I Tarantino, Hollywood et Charles Manson
Critique du film par Patrick Heidmann
Non pas que Once Upon a Time... in Hollywood n'ait rien à offrir, au contraire, loin de nous cette idée. Nous noterons de grands acteurs, jusque dans les seconds rôles, et pléthore de moments intelligents, voir inoubliables. C’est un vibrant hommage, cool et nostalgique, à ce Los Angeles des années 60 tant vénéré par Quentin Tarantino. Mais au bout du « conte », plus de deux heures et demie avant un final sanglant qui laisse de côté la véracité de l'histoire. Un long-métrage qui s'estompe, parfois, lesté par un scénario qui dans l’ensemble reste un peu plat.
«Le jeune Ahmed» I La radicalisation islamiste en Belgique vue par les frères Dardenne
Critique du film par Sven Papaux
Déjà deux fois palmés d’or au Festival de Cannes, les frères Dardenne ont décidé de faire de la radicalisation islamiste le sujet de leur onzième long-métrage. Présenté en compétition lors de la 72ème édition du Festival, le radicalisme, qui touche la Belgique de plein fouet, est incarné dans Le jeune Ahmed par un adolescent de 13 ans, perdu entre ses idéaux et sa vie d'adolescent. Une œuvre radicale. Le mal qu’engendre Ahmed, lui sur le long chemin de l’apprentissage de la vie, est traité de manière frontale, sans artifice. Le jeune Ahmed est limpide.
«Douleur et gloire» I La fiction autobiographique de Pedro Almodóvar
Critique du film par Irina Blum
Pour son 21ème long-métrage, le réalisateur Pedro Almodóvar mêle des éléments autobiographiques à la fiction pour créer un film extrêmement personnel ; quand la douleur supplante la gloire. Retour vers le passé, le cinéaste embarque Antonio Banderas dans une rétrospective existentielle mélancolique. Dans Douleur et gloire, l'acteur incarne un réalisateur qui, invité à la cinémathèque dans le cadre d'une rétrospective de son travail à Madrid, se retrouve submergé par des fragments de son existence : la relation houleuse qu’il entretient avec la star de ce grand succès, les événements d’une enfance marquée par la pauvreté et une liaison amoureuse d'autrefois qui triture encore l’artiste. Un drame autobiographique qui peine à décoller, mais qui développe un récit extrêmement personnel. De quoi ravir les aficionados du cultissime réalisateur espagnol.
«Rocketman» I Vers l’infini et la désintox
Critique du film par Theo Metais
Voilà des décennies que le 7ème art et Elton John s’étreignent inlassablement ; comme une énième récompense, la 72ème édition du Festival de Cannes accueille Rocketman en Sélection Officielle hors compétition, un biopic porté par Taron Egerton. Après sa performance vocale dans Sing, les Kingsman et sa réinterprétation, par ailleurs discutable, de Robin Hood avec Jamie Foxx, Taron Egerton est un acteur hyperactif, qui manque parfois d’incarnation, mais qui déploie une armada énergétique telle que sa performance ici dans Rocketman est des plus honorables. Le 7ème art rend hommage à Elton John sous la baguette de Dexter Fletcher ; un biopic musical mélodramatique enchanté, pailleté, instable, imparfait, virevoltant, mais contagieux. Proche du théâtre façon Broadway, le travail à la mise en scène est d’une inventivité remarquable.
«The Dead Don't Die» I Des zombies en ouverture du 72ème Festival de Cannes
Critique du film par Sven Papaux
Film d’ouverture à Cannes, retour après Gimme Danger et surtout la pépite Paterson, Jim Jarmusch a l’honneur d’ouvrir les hostilités avec une comédie zombiesque, portée par un casting de haut vol. Nous faisons connaissance avec Cliff Robertson (Bill Murray) et Ronald Peterson (Adam Driver), deux flics qui font régner l’ordre à Centerville, un petit patelin où rien ne se passe. Mais des choses inexplicables commencent à apparaître : la lune reste omniprésente, le jour joue les prolongations, les animaux s’excitent et l’ambiance aussitôt devient bizarre. Cerise sur le gâteau : les morts reviennent à la vie. Le monde part en cacahuète.
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