Article6. März 2024

«Dessiner pour résister» sur Arte, le récit d’Amani Al-Ali, cartooniste sous les bombes de Bachar El-Assad

«Dessiner pour résister» sur Arte, le récit d’Amani Al-Ali, cartooniste sous les bombes de Bachar El-Assad
© SWR/Clin d'oeil films

Première femme caricaturiste en Syrie, l’histoire d’Amani Al-Ali fait partie d’un passionnant projet documentaire à découvrir sur Arte. Intitulé «Dessiner pour résister», cette série consacre cinq chapitres à ces femmes qui, en Syrie, en Égypte ou encore au Mexique, dessinent haut et fort pour la liberté. De quoi accompagner la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars.

Les dessins humoristiques et satiriques sont devenus les outils d’une lutte pour le moins controversée, mais presque aussi acerbe que ses pourfendeurs. Un sujet cher à Amani Al-Ali, 38 ans, qui dessine pour lutter depuis environ 10 ans à Idlib. Province dans le nord-ouest de la Syrie sous contrôle djihadiste, une enclave entre le mur construit par la Turquie et les lignes de fronts du régime ; ici la population est au cœur du conflit qui gangrène le pays. Un contexte qui sert de trame de fond à ce chapitre. Ainsi, les lignes à l’encre de la caricaturiste se mélangent aux lignes de plomb dessinées par la guerre.

Devant la caméra sensible d’un ami d’Idlib, les 70 minutes dévoilent le quotidien intime et particulièrement inspirant d’Amani Al-Ali et ses dessins dont le documentaire nous offre même la splendide animation. À cet égard, «Dessiner pour résister» pourra avoir l’envergure, sinon l’élégante profondeur, des dessins en noir et blanc de Marjane Satrapi dans «Persepolis». Chacun de ses traits se transforme en une métaphore naïve, et donc puissante, pour lutter contre le pouvoir islamiste, le patriarcat et raconter les souffrances, l'histoire du peuple syrien, les féminicides, les morts, les déporté.e.s, le soutien de la communauté internationale, l’envie de s’enfuir.

«Dessiner pour résister» sur Arte, le récit d’Amani Al-Ali, cartooniste sous les bombes de Bachar el-Assad
Amani Al-Ali dans «Behind The Lines» © Grande Ourse Films

Foudroyée sur Facebook où elle publie ses caricatures, les menaces de morts pullulent, et reniée par son propre frère pour un dessin minimaliste de deux corps qui s’enlacent; elle ne manquera pas d’en rire, en demi-teinte, avant que les bombardements nous rappellent à la réalité du conflit. Chez Art Spiegelman, et bien d’autres, la complexité émotionnelle et les horreurs de la guerre pouvaient être brossées en des lignes simples. Et le crayon d’Amani Al-Ali se charge de ce même pouvoir.

Ici, les obus de Bachar el-Assad portent de petites moustaches comiques et le spectre du Kremlin n’est jamais loin. Et malgré la censure, une exposition de ses dessins se prépare. Cloitrée à Idlib, sa voix porte jusqu’en Italie. Le dessin, «c’est toute ma vie» dira-t-elle. Un art qu’elle transmet d’ailleurs à sa jeune nièce et enseigne à ces femmes, veuves pour certaines, qui viennent la voir dans l’espoir d’apprendre à redonner vie aux visages de leurs êtres disparus.

Projet soutenu notamment par les chaînes Arte, SWR et la RTBF, «Dessiner pour résister» fut présenté au festival Visions du Réel, à Nyon en 2023, et revevra le prix de la meilleure série documentaire à Canneseries la même année. 5 réalisation différentes pour conter 5 histoires, le récit d’Amani Al-Ali se rattache à celui de Doaa el Adl en Egypte, Victoria Lomasko en Russie, Mar Maremoto au Mexique et Rachita Taneja en Inde. «Dessiner pour résister» dresse un portrait absolument captivant pour éveiller les consciences sur ces femmes qui luttent, un crayon à la main, contre l'obscurantisme et pour la liberté.

5/5 ★

Sur Arte le 06 mars à 00:25 et sur arte.tv jusqu'au 13/06/2024

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