Review4. Januar 2023 Cineman Redaktion
«Kaléidoscope» sur Netflix : Le braquage de la nouvelle année
Six criminels et leur infiltrée s’attaquent aux coffres-forts d’une entreprise de sécurité pour des motifs plus personnels que cupides. S’étalant sur 25 ans, le récit dissémine autant de trahisons que de réflexions inabouties au long de ses huit épisodes à voir, fait rare, dans l’ordre de notre choix.
(Une critique d'Eleo Billet)
Tous les éléments attendus s’y trouvent : de la constitution d’une équipe hétéroclite, dont les membres sont recrutés pour servir un plan précis au «coup du siècle», ici le vol de plusieurs milliards appartenant à trois banquiers, orchestré par un voleur expert du nom de Leo Pap (Giancarlo Esposito), évadé de prison.
Au risque de passer pour une énième variation du récit de braquage en trois actes, et de finir dans l’ombre de ses inspirations («Ocean’s Eleven» (2001), «La casa de papel»), la création d’Eric Garcia devait innover. Aussi, le showrunner a choisi une forme de visionnage déconcertante au premier abord, qui aurait suffi à convaincre si son exécution n’avait pas tant péché. Retour sur une série confuse, victime de sa propre obsession, celle de tromper son public.
La spirale obsessionnelle
La vengeance, voilà le grand thème que désirait explorer «Kaléidoscope». La revanche, non pas contre de grands systèmes corrompus, mais bien contre des traîtres individuels. Prêtant ses traits à l’opposant principal, Rufus Sewell incarne Roger Salas l’ancien complice et ami de Leo Pap (Giancarlo Esposito), ayant fait fortune après avoir trahi ce dernier et disloqué sa famille. Une intrigue romanesque donc, à laquelle se greffe Hannah, la fille de Pap devenue l’assistante de Salas, un personnage bien écrit au double jeu que Tati Gabrielle ne sauve toutefois pas de son final ridicule. Entre autres relations amour-haine plus ou moins développées, Paz Vega en avocate experte en armes se démarque également, bien moins que la pauvre Niousha Noor qui joue sans conviction une agente du FBI ancienne addict, désireuse de coincer le groupe de criminels.
C’est à travers ses personnages qu’Eric Garcia distille une réflexion sur les cercles infernaux d’addictions (l’argent, la drogue, les relations toxiques) et comment une obsession a tôt fait d’en remplacer une autre chez les personnes les plus marginalisées. Dommage que cette idée reste à l’état de brouillon, car de ces protagonistes, on retient surtout leur ambivalence entre exacteurs de vengeance contre les nantis et loosers pathétiques condamnés à répéter les mêmes erreurs, qui finit en queue-de-poisson dès lors que les derniers épisodes doivent conclure. Même le motif le plus présent, celui de la filiation et des mauvais choix passés qui nous poursuivent, en miroir entre Salas et Pap, est sacrifié à mesure qu’Hannah perd en importance dans les épisodes et que Roger Salas devient plus caricatural.
Une série en quête d’identité
Avec son ouverture en musique et en couleur, une pour chaque épisode, nous projetant dans différentes périodes avant ou après ledit braquage, «Kaléidoscope» affirme son ambition de se démarquer des dizaines d’autres programmes arrivant chaque semaine sur Netflix. Seulement, cette forme de visionnage devient bien vite son principal défaut. Abordée par sa succession de scénaristes et réalisateur.ice.s moins comme un tout cohérent que comme une anthologie dont chaque épisode peut être le pilote, la série enchaîne au gré des chapitres les changements d’identité visuelle et les ruptures de ton. «Vert» et «Blanc», le 8e épisode, sont peut-être ceux dont la photographie reste la plus soignée alors que les cadrages, les décors et le travail des couleurs d’autres épisodes sont moins aboutis et surtout composés sans originalité.
Lorsque la série copie esthétique et propos de ses aînés, tels «Reservoir Dogs» (1992), sans comprendre ce qui a fait leur force et leur succès, elle achève de se croire plus ingénieuse qu’elle ne l’est. Car à la différence d’une œuvre non-linéaire ou antéchronologique qui utiliserait les sauts de temporalité pour déguiser les motivations des protagonistes ou dilater les années passées à échafauder le projet final, «Kaléidoscope» se repose trop sur ses ellipses, qui éclipsent au contraire le développement des personnages jusqu’à les rendre bi-dimensionnels. De plus, les épisodes en eux-mêmes sont linéaires, amenant tantôt un rythme chaotique, tantôt monotone à l’histoire qui doit jongler entre les sous-intrigues anecdotiques.
Pire, selon l’ordre dans lequel on regarde la série, les morts manqueront d’impact et les séquences «émotions» sonneront dès lors faux. La faute, non pas aux comédien.nes qui font pour la plupart de leur mieux avec des dialogues pauvrement écrits, mais bien à la perte d’intensité dramatique dès lors qu’un.e inconnu.e meurt à l’écran pour être présenté.e deux épisodes plus tard. Ce sont finalement les ultimes retournements de situation, sortis de nulle part dans la conclusion, qui achèvent de couler «Kaléidoscope» plutôt que de l’élever.
Une série pleine de maladresses donc, qui ne tient pas son pari de proposer une création véritablement passionnante et bien pensée, la faute à de bonnes idées rarement exécutées jusqu’au bout. Enfin, elle offre un confortable sentiment de déjà-vu qui saura occuper les dimanches après-midis pluvieux, rien de plus, rien de moins.
2,5/5 ★
Depuis le 1er janvier sur Netflix
Bande-annonce
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