Review22. September 2021 Emma Raposo
«La Voix d'Aida» - L’horreur de Srebrenica à travers les yeux d’une femme
C’est une des pires tragédies après la Seconde Guerre, le massacre de Srebrenica hante encore aujourd’hui les esprits. Sur les traces d’Aida, traductrice-interprète pour les Nations Unies, la réalisatrice Jasmila Zbanic livre une immersion poignante dans ce chapitre sombre de l’histoire européenne.
Juillet 1995, l’enclave de Srebrenica est prise d’assaut par les forces serbes de Bosnie dirigées par Ratko Mladic, forçant les civils à déserter la ville et laisser derrière eux toute leur vie. Retranchés pour certains dans la base des casques bleus néerlandais, les habitants attendent de pouvoir retrouver leur maison. Si quelques milliers de civils ont pu se réfugier dans l’enceinte du camp de l’ONU, des milliers d’autres sont parqués aux portes du camp.
Dans cette mare humaine, Aida (Jasna Djuricic), une enseignante convertie en traductrice pour le compte des Nations Unies, se démène pour savoir ce qu’il va advenir de ses concitoyens. Elle qui est aux premières loges des négociations, comprend que l’heure est grave. Après avoir fait entrer ses deux fils et son mari dans la base, et face à l’incapacité et l’incompétence des Nations Unies de protéger la population locale, Aida se bat comme une lionne pour que sa famille puisse quitter les lieux saine et sauve.
Bouleversant...
Présenté en compétition internationale au Festival de Venise en 2020, et sélectionné aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger, « La Voix d'Aida » est un vibrant hommage aux quelque 8000 victimes directes et des milliers d’autres collatérales du génocide perpétré par les troupes de Mladic. C’est, d’une façon plus générale, un récit vibrant d’une mère et d’une épouse désespérée de sauver les siens. Et le récit doit en grande partie sa force à son actrice principale, l’exceptionnelle Jasna Djuricic incarnant le personnage fictif d’Aida, qui tient le film à bout de bras du début à la fin. Déterminée, se battant envers et contre tous, Aida arpente sans relâche les couloirs de la base pour tenter de sauver enfants et époux. Question de vie ou de mort, elle est l’incarnation de toutes les mères qui n’abandonnent jamais.
Avec ce cinquième long métrage, Jasmila Zbanic nous rappelle l’horreur vécue par des milliers de personnes il n’y a encore pas si longtemps. La cinéaste native de Sarajevo suggère plus qu’elle ne montre permettant au film d’atteindre une force de frappe émotionnelle d’autant plus percutante. De scènes d’une extrême violence seulement suggérée, d’où paradoxalement il se dégage un calme étrange, Jasmila Zbanic dépeint avec une grande sensibilité et beaucoup de pudeur le désespoir, mais aussi la résilience, ou quand les victimes finissent par côtoyer leurs bourreaux. Bouleversant.
4/5 ★
Le 22 septembre au cinéma. Plus d'informations sur «La Voix d'Aida».
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