Review23. Juni 2024

Critique de «Manga D’Terra», félicité musicale à Reboleira

Critique de «Manga D’Terra», félicité musicale à Reboleira
© AKKA Films / Basil Da Cunha, 2023

En Compétition Internationale au dernier Festival de Locarno, Basil da Cunha retourne à Reboleira, son quartier lisboète de prédilection, et dévoile «Manga D’Terra», une œuvre remarquable.

Rosa (Eliana Rosa), la vingtaine, vient de quitter le Cap-Vert pour s’établir à Lisbonne dans l’espoir d’offrir une vie meilleure à ses deux enfants restés en Afrique. À son arrivée, elle se retrouve à Reboleira, un quartier en friche de la capitale. Bientôt confrontée à la violence de cette enclave, celle qui se rêve chanteuse, vaque chez l’habitant, trouve du réconfort auprès des femmes de la communauté, tente de se reconstruire et d’entretenir le lien avec ses proches.

Après le très acclamé «O Fim do Mundo» sorti en 2019, Basil da Cunha est de nouveau en lice pour le Léopard d'or à Locarno. Une caméra plantée sur les lambeaux de pierres de ce quartier qui s’éveille à nouveau devant la caméra humaniste du cinéaste helvético-portugais de 38 ans. L’œil et le cœur grand ouvert à la beauté singulière de ces anonymes, il s’agit de capter l’effervescent, le subtil, de sonder les regards et d'arcbouter ces visages au récit national du Portugal.

Eliana Rosa dans «Manga D’Terra» © AKKA Films / Basil Da Cunha, 2023

Défiant la rumeur et les qu'en-dira-t-on, Rosa est pourtant venue travailler. Incarnée par l’époustouflante Eliana Rosa, Rosa - son personnage - entend recommencer sa vie et tourner la page depuis le décès de son mari. La voilà dans l’antre de ce quartier où la police ne pénètre qu’arme au poing. Et la caméra de Basil da Cunha de leur répondre avec une véhémence poétique. Généreux, volubile, onirique et tendre, «Manga D’Terra» pénètre la psyché de sa protagoniste avec une maestria éblouissante.

Contre vents et tarés, l’aura lumineuse d’Eliana Rosa sera mise à rude épreuve. Rappelant le merveilleux «Félicité» d’Alain Gomis, Basil da Cunha dévoile un geste de cinéma techniquement envoutant ; un musical cap-verdien à l’orée du réalisme magique, embaumé de néons primaires et de mélodies qui supplantent les affres du temps présent. C'est une œuvre en marge, sinon unique, à l’image de son cinéaste. Anthropologique, lyrique, «Manga D’Terra» flottera et pour longtemps.

5/5 ★

Plus d'informations sur «Manga D’Terra»

Bande-annonce de «Manga D’Terra»

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