Interview25. Oktober 2022 Maxime Maynard
Louis Garrel sur «L’innocent» : «Faire un film, c’est un mélange de précision et de légèreté»
Dans un entretien accordé à «Cineman» à l’occasion de la 18e édition du Zurich Film Festival, Louis Garrel revient sur la genèse de son nouveau film «L’innocent», sa collaboration avec Noémie Merlant et son affection particulière pour ses personnages.
Pour son nouveau long-métrage, Louis Garrel ose le mélange des genres : «On pourrait dire que le film se trouve entre une chronique familiale, un polar, une comédie et une comédie romantique.», déclare-t-il ainsi. L’amour, tendrement illustré par la relation de Sylvie (Anouk Grinberg), la soixantaine et animatrice d’un atelier théâtre dans un centre pénitencier, et Michel (Roschdy Zem), homme charismatique et l’un des prisonniers. Très vite, le couple se marie et projette d’ouvrir ensemble un magasin de fleurs une fois Michel libéré. Mais Abel (Louis Garrel), le fils de Sylvie, craint pour la sécurité de sa mère. Aidé de son amie Clémence (Noémie Merlant), il décide alors d’espionner les activités de son nouveau beau-père.
Ainsi, réalisateur, acteur et scénariste Louis Garrel se met en scène dans une histoire étonnante de braquage et de romance : «Ça me plait d’imaginer que je fais une sorte de bonneteau avec les spectateurs. J’aime avoir plusieurs tons, faire coexister des histoires rocambolesques et romanesque avec des personnages très humains, et de ne pas les sacrifier à la comédie, uniquement pour faire rire.»
Une volonté retranscrite dans un scénario développé à six mains. Car pour l’aider dans l’écriture, l’artiste s’est bien entouré : «J’ai d’abord travaillé avec Tanguy (NDR : Viel), un écrivain de romans policier plutôt existentiel qui n’avait jamais écrit de scénarios. À la fin, j’ai demandé à Naïla (NDR : Guiguet), une jeune scénariste, de venir nous rejoindre. C’est très agréable de converser comme ça.» Une association de talents pour une fusion de styles, mise en scène dans les paysages urbains lyonnais. «Il y a environ sept ans, j’ai joué une pièce à Lyon et j’en suis tombé amoureux.» partage le comédien.
Originaire de la capitale, où il a souvent tourné, Louis Garrel décide de changer de décor : «Ça me plaisait de partir de Paris. Je voulais que le film ait plein de contrastes, entre la périphérie et le centre-ville touristique. Je ne voulais pas d’entre deux.» Et le cinéaste posera sa caméra en terre lyonnaise. «C’est une grande ville avec un centre historique très cinégénique. C’était plus romanesque. Et le tournage s'est très bien passé.» Un choix géographique qui dicte l’œil du réalisateur et les jeux de la caméra : «Il y a moins de films ici qu’à Paris, ça permettait d’être plus désinhibé. Quand on tourne dans une ville qu’on ne connaît pas, on se permet tout. On se permet de filmer des éléments plus touristiques, chose qu’on ne ferait pas si c’était notre ville. On aurait trop peur de passer pour des idiots et je pouvais être le touriste de Lyon.»
Pour l’accompagner à travers les péripéties décalées de œuvre, le cinéaste fait appel à Noémie Merlant : «Quand on a commencé à travailler, je lui disais : «Tu peux pousser encore plus. Sois burlesque. Tu as un don incroyable pour ça.» Elle avait peur du ridicule. Mais je l’avais vue dans les films de Céline Sciamma (NDR : «Portrait de la jeune fille en feu») et de Jacques Audiard (NDR : «Les Olympiades»). Dans l’un, elle avait un rôle dramatique, plus grave, dans l’autre, plus léger et je me suis dit qu’elle était capable d’avoir une diagonale comme ça.» Une performance pour l’actrice dans la peau du personnage drôle et extraverti de Clémence : «J'aimais cette idée d’une femme très optimiste, excentrique, à la limite de la vulgarité, sans jamais ne l’être vraiment, libérée, parlant de la sexualité et complétement bravache.»
Pour interpréter Michel, le nouveau beau-père tout juste sorti de prison, Louis Garrel se tourne vers Roschdy Zem. Un rôle que l’acteur aurait, dans d’autres circonstances, probablement refusé : «Quand je lui ai raconté l’histoire à haute voix, il m’a dit que si je lui avais proposé un voyou, il aurait dit non, parce qu’il en a déjà trop fait. Mais le personnage est tellement amoureux de cette femme que ça lui a beaucoup plu.» Une relation amoureuse primordiale dans le choix de la distribution : «Quand Anouk (NDR : Grinberg) est arrivée, les deux ensemble m’ont ému. Lui, complexé culturellement vis-à-vis de cette femme qu’il admire. Elle, très amoureuse d’un homme si charismatique. Je m’inquiétais pour les deux personnages et j’aimais bien ça.»
Une proximité émotionnelle entre le cinéaste et ses protagonistes notable dans la création de l’œuvre et la composition des plans : «J'aimais tellement les acteurs du film que j’avais envie de les filmer au plus près.» explique-t-il avant de poursuivre «J'espèrais que les gens s’identifient aux personnages et se prennent d’affection pour eux, donc il fallait s’en rapprocher. Et le cadrage, on s’en occupe ensemble au moment de tourner, parce qu’il faut y réfléchir.»
«Faire un film, c’est un mélange de précision et de légèreté.» Et si la thématique sociale soulevait par «L’innocent» l’intéressait, Louis Garrel ne cherchait pas à produire de discours politiques : «plutôt un discours affectif.», ajoute-t-il «J’aime bien que faire un film ne soit pas toujours un travail de citoyen. Pour les sujets de société, je préfère les reportages. Pour les films, je préfère le romanesque.»
«L'innocent» est à découvrir au cinéma dès le 25 octobre.
Bande-annonce
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