Review12. April 2021 Emma Raposo
Netflix: «Madame Claude» - La maquerelle de la République contée par Sylvie Verheyde
La réalisatrice française nous catapulte dans l’univers de la prostitution de luxe, terrain de jeu de la fameuse Fernande Grudet, surnommée «madame Claude». Des années prospères à la fin des années 60, à sa chute programmée dans les années 70, celle qu’on appelait aussi «la maquerelle de la République» se paie un biopic à voir sur Netflix.
Petite provinciale qui avait pour meilleure amie une chèvre, rien ne laissait présager que Fernande (Karole Rocher) deviendrait la baronne du proxénétisme. Débarquée à Paris après avoir laissé sa fille aux soins de sa mère, celle qui se fait appeler «madame Claude» se prostitue, rencontre du monde, analyse les us et coutumes des hautes sphères bourgeoise et politique et les applique à sa «famille», ou en d’autres termes, le réseau de prostituées qu’elle a construit. Des dizaines de filles qu’elle façonne à l’image des femmes de la haute société, robes de couturiers et culture en plus des frivolités.
Et le succès ne se fait pas attendre, les grands de ce monde se bousculent au portillon. De Marlon Brando au Shah d’Iran, tous sont des habitués du salon parisien très discret de madame Claude. Business juteux, Claude règne en maîtresse sur le petit monde de la prostitution de luxe. Amie avec des bandits et autres truands de la pègre, de manche avec les flics à qui elle livre des informations, échange de bons procédés pour que ces derniers ferment les yeux sur ses activités, Madame Claude a construit un empire très convoité. Mais comme dit le dicton, «toute bonne chose a une fin». À l’arrivée au pouvoir de Valéry Giscard d’Estaing, une nouvelle ère prend le relais et c’est Sidonie (Garance Marillier), une des filles de Claude devenue son bras droit, qui précipitera malgré elle la chute de la proxénète.
Une guide, une mère, une matriarche impitoyable et une business woman redoutable...
Menteuse professionnelle qui s’est inventée une enfance, des origines et une éducation, et dont le passé reste encore aujourd’hui nébuleux, Fernande Grudet était à la fois une guide, une mère, une matriarche impitoyable et une business woman redoutable. Peu encline à montrer la moindre compassion lorsqu’une de ses «filles» revenait le visage tuméfié après une rencontre avec des clients peu délicats, Claude tapotait sur l’épaule, réconfortait quelques minutes et encaissait ses 30% comme à l’accoutumée. Rôle ambivalent aussi bien dans ses affaires professionnelles que privées, la proxénète, autant haïe qu’adorée par ses employées, s’est construit sa propre famille, au grand dam de sa propre fille dont elle ne s’est jamais occupée.
Sylvie Verheyde persévère dans le thème de la prostitution. Après «Sex Dolls » en 2016, la réalisatrice revient sur le parcours ahurissant de cette mère célibataire devenue papesse du proxénétisme parisien. Avec en toile de fond l’affaire Marković, la cinéaste française dessine les contours d’une existence traversée par la solitude, chronique d’une femme évoluant dans un monde d’hommes et qui aurait «aimé être un homme». Pour incarner ce personnage aussi touchant que détestable, Verheyde a fait confiance à Karole Rocher qui livre une performance sans fausse note. À ses côtés, Roschdy Zem, Pierre Deladonchamps, Garance Marillier ou encore Benjamin Biolay complètent le tableau peu reluisant d’un Paris ivre de pouvoir et d’argent, fourbe et hypocrite.
Le parcours ahurissant de cette mère célibataire devenue papesse du proxénétisme parisien...
Esthétiquement au point, «Madame Claude» aurait mérité cependant que sa réalisatrice s’attarde plus sur la relation qu’entretient Claude avec le personnage de Sidonie, pourtant fil conducteur du film et origine d’un certain nombre d’enjeux narratifs du métrage. Regrettable, mais pas assez pour vous décourager d’y jeter un œil.
3/5 ★
A découvrir dès maintenant sur Netflix.
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