Review10. April 2020 Theo Metais
Netflix: «Tigertail» - Un drame multigénérationnel entre Taïwan et les États-Unis
Ça devait être l’un des beaux rendez-vous indés sur la plateforme Netflix au mois d’avril. «Tigertail», nouveau long-métrage du réalisateur Alan Yang, était la promesse alléchante d’un drame familial multigénérationnel entre Taïwan et les États-Unis. Pourtant jamais le film ne s’envolera au delà de l’énoncé. Une étonnante douche froide.
Dans les années 50, Pin-Jui, un jeune ouvrier d'usine taïwanais, libre penseur et fondu de musique, passe le plus clair de son temps à écouter les disques de Yao Su Yong et à rêver de la grande Amérique. Vivotant dans sa cage de travailleur, il prend la décision de quitter ses racines, et la femme qu'il aime, pour tenter sa chance dans un mariage arrangé qui l’envoie de l’autre côté du Pacifique. Une fois adulte (Tzi Ma) est cloitré à New-York dans une vie monotone et un mariage dénué d’amour. Les années passent tristement, péniblement, pour son épouse aussi. Bientôt Pin-Jui devra renouer avec son passé et des décennies d’absence.
Dévoilée en mars dernier, la bande-annonce de «Tigertail» a fait son petit effet. Après le succès grandissant du film sud-coréen «Parasite», et du carton de «L'Adieu» (The Farewell) de la réalisatrice sino-américaine LuLu Wang, voilà que Netflix donne la parole (en mandarin et en anglais) à la communauté taïwanaise immigrée aux États-Unis, portée par le cinéaste primé aux Emmys Alan Yang. Et notre petit cœur cinéphile s’est emballé... sans doute un peu trop vite.
«Tigertail» se fait le porte-parole d’une vie brisée...»
Dévoilées en 4 actes, très inégaux sur le plan esthétique et scénaristique, narrées dans un balayage constant de flashbacks, quatre périodes de l’existence de Pin-Jui composent «Tigertail»: d'abord dans les champs de riz où il distinguait au loin ses parents comme des mirages, puis dans les bars de Taïwan dans les années 50, enfin l’arrivée à New-York et un pan plus contemporain de sa vie. Frappé par un décès et à l’aube d’un divorce, l’homme terne et morose se laisse aller à la mélancolie et repense à sa vie. Même les retrouvailles avec sa fille le laissent indifférent. L’homme est abattu. «Tigertail» se fait le porte-parole d’une vie brisée et tente d’en décanter le spleen, mais rien n’y fait.
Si l’ouverture rappellera celle d’«Inglourious Basterds», si la lumière et la texture des scènes de vie à Taïwan sont un délice visuel en plus de se faire les témoins d’une époque, si l’arrivée à New-York, avec ses mouvements de caméra, ramène un peu de John Travolta dans «Saturday Night Fever», la cinématographie (et surtout la lumière) de «Tigertail» est globalement irréprochable. Seul véritable atout du long-métrage, qui hormis peut-être la soundtrack très 70’s de Yao Su Yong & The Telstar Combo, manque d’un ton plus accrocheur.
«Un montage d’une curieuse simplicité...»
Porté par un excellent casting, avec en tête d’affiche l’actrice taïwanaise acclamée Yang Kuei-mei et Tzi Ma, aperçu dans le rôle du père dans «L'Adieu» (The Farewell), la dramaturgie n'emballe jamais réellement. La faute peut-être à un montage d’une curieuse simplicité. Quand elle n’est pas prévisible, la partie contemporaine du récit manque cruellement de charme, de passion voire d’empathie pour ses personnages. À l'orée du téléfilm, «Tigertail» manquera d’envergure.
En bref!
Hommage sera rendu à la communauté taïwanaise immigrée aux États-Unis, une fois de plus Netflix libère la parole. La promesse du réalisateur Alan Yang était belle, et aussi louable soit l’histoire, «Tigertail» manquera de matière pour chatouiller ses pères, on pense peut-être à «L'Adieu» (The Farewell) ou «So Long, My Son».
2,5/5 ★
«Tigertail» est à découvrir dès aujourd'hui sur Netflix.
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