Review16. Februar 2022 Maxime Maynard
Retrouvez nos critiques de la 72e Berlinale
Un 72ème festival qui avait ouvert ses portes au public international début février à Berlin. Une édition présidée par le cinéaste M. Night Shyamalan, ouverte avec l'excellent «Peter von Kant» de François Ozon. Du nouveau film de Peter Strickland, en passant par Claire Denis, le nouveau film d'Ursula Meier ou encore «Rabiye Kurnaz vs. George W. Bush» couronné de deux Ours d'argent, découvrez ici nos critiques de la 72e Berlinale.
Alcarràs - Ours d'or 2022
Après «Été 93», la cinéaste Carla Simón a puisé dans son histoire personnelle pour raconter le destin de cette famille et ses pêchers à quelques encablures de Saragosse. Une vision de la ruralité dans ce coin d’Espagne, alors que les pêches ne rapportent plus et qu’un exploitant leur propose de découper leurs terres pour y installer des panneaux solaires. Une vie portée par le paternel Quimet qui s’épuise à la récolte, avec le patriarche, son beau-frère, sa progéniture, et un peu de main d’œuvre recrutée à la volée sur la place du village. Dans les allées du verger, ce sont trois générations qui ensemble cueillent soigneusement les pêches, et la grand-mère de raconter quelques histoires dans un coin du cadre.
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Flux Gourmet
Peter Strickland
Cinquième long-métrage du cinéaste anglais Peter Strickland, dans un décor de «whodunit» croisé à «Suspiria», les performances subversives de ce trio se mêlent à une réflexion sur les intolérances alimentaires, l’art culinaire et le comportement des consommateurs. Un écrivain grec souffre du même vent qu’Evguénie Sokolov, et l’art ménager devient du rock garage électronique. Film gluant de couleurs, gore et éclectique ; dans «Flux Gourmet» l’absurde est un art délicat, à l’image de leurs processions matinales, gothiques et silencieuses. Une satire gastronomique, visuelle et sonore, faite d’orgies et de flatulences, où Dario Argento rencontre l’intolérance au gluten. «Flux Gourmet» sera une expérience à part, à la fois en marge et pourtant si fidèle à son auteur.
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The Outfit
Graham Moore
Natif de Chicago, auteur de polars à succès et oscarisé en 2011 pour avoir écrit le scénario du désormais célèbre «The Imitation Game», voilà que Graham Moore nous dévoile son premier film. Présenté hors compétion en avant-première au festival de Berlin, «The Outfit» se teinte du décorum de film noir qui fît le sel de ses romans, celui de la pègre et de ses chapeaux feutrés. Et comme toute bonne histoire qui se respecte, il lui faut un angle. Alors dans un genre où «Phantom Thread» se mêle aux décors chéris des fables «corneloniennes» de Francis Ford Copolla, l’élégant Mark Rylance incarne un tailleur de renom, lui qui un beau jour devra recoudre un homme de la mafia.
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Coma
Bertrand Bonello
Cinéaste français iconoclaste et réalisateur notamment en 2014 de «Saint Laurent» avec le regretté Gaspar Uliel, qui prêtait ici sa voix à l’un des personnages, Bertrand Bonello s’est composé une œuvre singulière. Notons «Zombie Child» ou encore «Nocturama» en 2016, un film qu’il dédiait d’ailleurs à sa fille et voilà qu’il s’adresse une nouvelle fois à sa chère Anna. Derrière ses airs de fabulations lynchéennes, «Coma» emprunte à «Mulholland Drive» et «Lost Highway», pour parler des affres du confinement, celui-là même qui, d’avoir tué le présent, nous renvoyait précisément à nous-mêmes. Des confidences prononcées sur un montage stroboscopique en ouverture paraphent peut-être le film le plus personnel du cinéaste. Un sujet déjà éculé, victime d’un engouement trop immédiat, mais «Coma» se fait la quintessence sensorielle de l’isolement.
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Rimini
Ulrich Seidl
Depuis une brumeuse région autrichienne, le cinéaste Ulrich Seidl accompagne ce crooner usé jusqu'à la côte adriatique, tout aussi désolée. Il s'y produit en costume à paillettes devant les rares vacanciers ou offre ses services de gigolo à des touristes d'âge moyen. L'argent manque toujours. Sa fille Tessa, devenue adulte, se présente pour réclamer une partie de la pension alimentaire non versée. Seidl capte magistralement l'ambiance hivernale de la station balnéaire italienne et rappelle notamment «Les Vitelloni» de Frederico Fellini. Réalisateur notamment du triptyque «amour, espoir, croyance», le réalisateur jette un regard désabusé sur ce qui, pour d'autre, peut apparaitre comme un paradis.
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Rabiye Kurnaz vs. George W. Bush
Andreas Dresen
De janvier 2002 à août 2006, Murat Kurnaz a été détenu sans accusation au camp de Guantanamo. «Rabiye Kurnaz vs. George W. Bush», film en compétition du réalisateur Andreas Dresen, raconte cette histoire du point de vue de sa mère, Rabiye (Meltem Kaptan). Dans le scénario intelligent de Laila Stieler, cette scandaleuse affaire n'est pas traitée comme un thriller judiciaire, mais presque avec désinvolture, entre une tarte aux pommes et un karaoké dans le salon de Kurnaz. Dresen convainc à nouveau. Par son regard tendre sur ses personnages, il réussit un difficile exercice d'équilibriste et raconte une histoire sérieuse à travers une tragicomédie profondemment émotionnelle.
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La Ligne
Ursula Meier
Dans Home, son premier film, la réalisatrice franco-suisse Ursula Meier analysait déjà la complexité du cercle familial dans un espace clairement délimité, une maison au bord de l'autoroute. Dans son nouveau long métrage, la cinéaste poursuit son exploration des constellations familiales atypiques et relègue cette fois sa protagoniste derrière une ligne. Au centre du film, Margaret, une tête brulée qui, après cette violente dispute avec sa mère, n'a plus le droit d’approcher à moins de 100 mètres de la maison - une ligne bleue indiquant la frontière. La réalisatrice raconte avec une densité émotionnelle et un humour subtil le désir de sécurité, et de rapprochement. Stéphanie Blanchoud et Valeria Bruni Tedeschi portent ce tandem mère-fille disparate et brillent de leurs performances, au cœur d’un conflit à bout portant.
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Peter von Kant
François Ozon
C’est une histoire singulière écrite par Rainer Werner Fassbinder en 1972. «Les Larmes amères de Petra von Kant», une pièce puis un film dans lequel le cinéaste adapte son propre théâtre. Un film devenu culte, repris cette année en ouverture du festival de Berlin par François Ozon. Petra devient Peter, et Denis Ménochet incarne ce cinéaste allemand à l’orée d’une histoire d’amour cyclopéenne. Lui qui s’éprend de ce jeune Amir, 23 ans. C’est sa muse Sidonie, incarnée par Isabelle Adjani, figure de l’un de ses premiers films, qui lui présente. Il lui promet d’être une star, et de conquérir le monde. «Amir, amour» lui chuchote-t-il. La formule chante, c’est vrai, et Peter d’y perdre la tête. Une adaptation qui vous cueille, servie sur une pellicule contemporaine du drame qui nous est conté. Bestial, sensible et monstrueusement talentueux, Denis Ménochet nous dévoile certainement l’une de ses plus belles partitions.
Lire la critique complète de «Peter von Kant».
Incroyable mais vrai
Quentin Dupieux
Réalisateur iconoclaste, devenu culte au pays des fables surréalistes, après ses «Rubber», «Le Daim» et «Au Poste!», cette année Quentin Dupieux présentait hors-compétition à Berlin «Incroyable mais vrai». L’histoire, tenez-vous bien, d’un couple (incarné par Alain Chabat et Léa Drucker) nouvellement propriétaire d’un pavillon bourgeois dans lequel une trappe à la cave vous permet de vous téléporter 12 heures dans le temps et de rajeunir de trois jours à chaque passage. Face aux sirènes de l’éternité, «Incroyable mais vrai» emprunte à Dorian Gray. Anciennement Mr Oizo, le musicien devenu cinéaste, signe ici son neuvième long-métrage et peut-être l’une de ses réalisations les plus personnelles.
Lire la critique complète de «Incroyable mais vrai».
Les Passagers de la Nuit
Mikhaël Hers
Paris, 1981. Charlotte Gainsbourg incarne une mère au foyer, son époux vient de quitter le domicile, la laissant dans une situation financière délicate. Elle ne sait rien faire, dit-elle, et pourtant elle doit s’occuper de ses deux enfants. Alors elle écrit un courrier à l’émission qu’elle écoute le soir : «Les Passagers de la Nuit». Touchée par sa lettre, sa créatrice (Emmanuelle Béart) la reçoit, puis lui propose un travail de standardiste. Une opportunité qu’elle cumule avec un mi-temps dans une bibliothèque.
Lire la critique complète de «Les Passagers de la Nuit».
Avec Amour et Acharnement
Claire Denis
Depuis 10 ans, elle partage sa vie avec Jean (un intense Vincent Lindon), un ancien détenu et une figure respectée du rugby, qui reprend sa vie en main avec son ancien associé, un certain François (Grégoire Colin) qui n’est autre que le précédent époux de Sara. Pour Jean, c’est une nouvelle vie qui s’annonce ; et Sara perd la tête, déraille, torturée entre cet être qu’elle a tant aimé et cette vie qui devait être la sienne. Après «High Life» avec Robert Patinson, Claire Denis signe une parade amoureuse toxique au cœur d’une réalisation clinique, brute, épurée, pour conter le drame étouffant de cette femme à la croisée de ses amours.
Lire la critique complète de «Avec Amour et Acharnement».
Un été comme ça
Denis Côté
Les jeunes femmes font étal de leurs traumas, de leurs envies insatiables et de leurs pensées incontrôlables. Ici personne ne juge, la parole est libérée. Denis Côté aime les études, et il le prouve une nouvelle fois avec «Un été comme ça». Un film lavé de ses apparats ; une réalisation crue où la caméra, au plus près de l’intime, lève le voile sur bien des tabous. «Un été comme ça» recèle de vérités brutes et pose la question des rapports de force, du prédateur. Le canadien est un cinéaste à part, ses sujets le sont aussi.
Lire la critique complète de «Un été comme ça».
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