Review21. März 2022 Emma Raposo
«Petite nature» - Le percutant récit d'apprentissage de Samuel Theis
Le premier long-métrage en solo du réalisateur français Samuel Theis fait la part belle à l’enfance et à l’éveil sexuel d’un jeune garçon vivant dans une cité de Forbach. Après «Party Girl» en 2014, coréalisé avec Marie Amachoukeli et Claire Burger, Samuel Theis s’aventure avec succès sur le terrain pourtant périlleux de la sexualité chez l’enfant.
Johnny (Aliocha Reinert) n’est pas de ceux qui sont nés du bon côté de la barrière. Une maman plus intéressée à se trouver un amant et à faire la fête, un père aux abonnés absents, un grand frère zonard et une petite sœur dont il doit s’occuper à journée faite, le garçonnet de 10 ans essaie tant bien que mal de se frayer un chemin dans la cité lorraine qui lui sert de maison.
C’est la rentrée et Johnny se retrouve dans la classe d’un nouvel enseignant, monsieur Adamski (Antoine Reinartz). Ce dernier voit en Johnny un enfant intelligent avec du potentiel. Très vite, le jeune garçon s’attache à ce prof qui le stimule intellectuellement. Mais l’attachement du petit garçon va au-delà de la simple affection élève-maître. Johnny tombe amoureux et développe un désir sexuel à l’encontre de monsieur Adamski. Du haut de ses 10 ans, Johnny gère avec maladresse son attirance et accueille avec incompréhension la réaction de son professeur qui rejette bien sûr ses avances.
La performance bluffante du jeune Aliocha Reinert...
C’est un peu son propre vécu que Samuel Theis raconte à travers Johnny. Lui qui a grandi dans la ville où il situe l’histoire de son film, à Forbach en Lorraine, revient sur son passé et la façon dont il s’est lui-même émancipé de son environnement d’origine. Sujet risqué, le long-métrage traite d’un thème complexe et peu évoqué sur grand écran : la sexualité naissante chez l’enfant. Sur fond d’émancipation, le personnage principal jongle avec l’innocence qui caractérise les enfants de son âge et un sentiment nouveau : sa sexualité naissante.
Avec sa longue chevelure blonde, Johnny détonne au milieu des gros bras de son quartier. Petite nature, c’est lui, ce petit garçon à la gueule d’ange. Considéré comme fragile, sa mère l’enjoint à s’endurcir et se défendre. Alors que monsieur Adamski lui ouvre les portes d’un autre monde, lui offrant des perspectives nouvelles, Johnny est de plus en plus conscient de ce qui l’entoure et rejette peu à peu tout ce qui constitue son univers. À l’image d’une des scènes clés du film, magistralement portée par le jeune acteur Aliocha Reinert dans laquelle l’enfant partage un repas familial et entre dans une colère noire, ne supportant plus la malbouffe qu’on lui sert et l’oisiveté des siens.
Un thème complexe et peu évoqué sur grand écran...
Présenté à la Semaine de la critique à Cannes en 2021, «Petite nature», écrit par Samuel Theis et Gaëlle Macé est de ces films qui auraient pu facilement tomber dans le mauvais goût, déranger. Il n’en est rien. Film juste et sans faux pas, «Petite nature» illustre avec honnêteté, mais pudeur, sans langue de bois, mais avec retenue, les premiers émois d’un petit garçon, parcours initiatique de l’abandon d’une âme d’enfant vers une conscience alerte des autres et de sa propre personne. Un film subtil dont on retiendra la performance bluffante du jeune Aliocha Reinert.
4/5 ★
Le 23 mars au cinéma
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