Review22. November 2022 Cineman Redaktion
«The Wonder» sur Netflix : Énigme divine en Irlande
Mysticisme et thriller ne riment pas toujours avec film d’horreur. Florence Pugh incarne une infirmière envoyée en terres irlandaises afin d’observer une enfant qui jeûne depuis des mois. Alors, vrai miracle ou duperie?
(Une critique de Fanny Agostino)
Londres, 1862. La traversée est houleuse. Lorsque Lib Writh embarque sur une bicoque en direction de l’Irlande, elle ne sait pas encore dans quel trou elle va atterrir. Dans un No Man’s Land de roches et de végétation foisonnante trône la maison d’une famille modeste. Anna O’Donnelle, est l’attraction du village. Ses proches affirment que l’enfant n’a pas avalé une miette de pain depuis de longues semaines. À son arrivée, l’infirmière est accueillie par les hommes de pouvoir : pendant 14 jours et à raison de huit heures quotidiennes, elle devra se relayer avec une religieuse afin de savoir si le miracle n’est pas une supercherie.
Septième réalisation du réalisateur chilien Sebastian Lelio, «The Wonder» figure aisément dans la liste des meilleurs films diffusés par le leader des plateformes VOD. Florence Pugh irradie l’écran dans un rôle difficile et ambigu. Secret de famille et contexte de la Grande Famine irlandaise se mélangent dans une enquête passionnante dont le fil conducteur et l’aboutissement ne cessent de questionner le spectateur.
Adapté d’un roman signé par Emma Donoghue, «The Wonder» s’ouvre par une séquence surprenante. Dans un studio de tournage, la caméra balaie l’espace jusqu’à s’engouffrer dans le premier décor, celui du bateau dans lequel Lib Writh fait son voyage. Ce retardement de l’entrée dans la fiction n’est pas sans rappeler le petit jouet qu’Anna reçoit des mains du journaliste (Tom Burke), dépêché pour couvrir l’histoire mystique. Il s’agit d’une petite pièce de bois : sur l’une des faces, un petit oiseau. Sur le second, le volatile est dans une cage. «Dehors, dedans», nous répète Anna. La métaphore nous renvoie à notre propre condition de visionnage : le glissement de la raison à la curiosité et au spectaculaire.
L’ambiance inquiétante et obscure de l’île n’est pas sans rappeler le huis clos de Céline Sciamma, «Portrait de la jeune fille en feu». La comparaison ne s’arrête pas à l’atmosphère puisque les deux films illustrent deux personnages féminins. Florence Pugh – plutôt habituée aux costumes moulants des Marvel – incarne la raison, dans un pays profondément marqué par l’agonie et en quête de miracles. C’est que l’époque correspond à la fin de la Grande Famine, qui a décimé environ 1 million d’Irlandais. Le contexte place donc l’infirmière dans une opposition aux pouvoirs en place. Les hommes représentant des institutions - prêtre, maire, médecin et commerçants - n’ont que faire de l’avis d’une jeune femme anglaise. Mais sa caution est indispensable.
Même si l’on peut lui reprocher un récit sans grande originalité, cette adaptation fonctionne parfaitement. Le spectateur reste tenu en haleine durant toute l’enquête. Le scénario n’hésite pas à rendre ses personnages ambivalents, notamment Lib Writh qui s’adonne à un rituel particulier la nuit, à l’encontre de ses principes. Avec des paysages magnifiques et des actrices aux rôles fouillés, Sebastian Lelio parvient à une certaine efficacité pour un thriller dont la conclusion, que l’on ne voit pas venir, nous laisse bouche bée.
4/5 ★
Depuis le 16 novembre sur Netflix.
Bande-annonce
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