Review1. März 2023 Cineman Redaktion
«We have a ghost» sur Netflix : L’esprit s’amuse, le public moins, dans une comédie spectrale avec David Harbour
Le constat est sans appel : la nouvelle comédie horrifique produite par la plateforme au N rouge ne parvient ni à effrayer, ni à amuser durant ses deux heures paresseuses. Analysons ensemble les ratés du film de Christopher Landon et comment il aurait pu transformer cet ersatz d’«E.T. L'Extraterrestre» (1982) et «Beetlejuice» (1989) en un touchant film familial.
(Une critique d'Eleo Billet)
Au milieu de la nuit, une famille sort en hurlant d’une imposante bâtisse. Elle ne reviendra jamais. Un an plus tard, la famille Presley, ruinée, y emménage avec l’espoir d’un énième nouveau départ. Le père (Anthony Mackie) tente de renouer le dialogue avec son fils cadet Kevin Presley (Jahi Winston), qui se renferme toujours plus. La rencontre de ce dernier avec Ernest, un fantôme muet et amnésique (David Harbour), va lui donner un nouveau but, le rapprocher de sa voisine Joy (Isabella Russo) et rendre ses proches célèbres. Mais la CIA a tôt fait de se mettre sur les traces du spectre.
Un casting vendeur et de nouvelles têtes prometteuses ne peuvent suffire
Dans le rôle d’Ernest le fantôme, rien de moins que David Harbour, Jim Hopper dans la série « Stranger Things », avec face à lui Anthony Mackie, qui jouit des faveurs du public pour son rôle de Sam Wilson chez Marvel. Ajoutez les seconds rôles Jennifer Coolidge (The White Lotus) et Tig Notaro, habituée de Netflix, et vous obtiendrez une distribution alléchante, garantissant un succès immédiat. Mais même des comédiens reconnus ne peuvent sauver un script rendant le fantôme muet, le réduisant à de la pantomime peu convaincante. Si les lignes narratives des personnages secondaires stéréotypés n’avaient pas été évincées, le récit aurait sans doute gagné en équilibre.
Seuls les deux adolescent.es, Kevin, interprété avec aisance par Jahi Winston, et Joy, la nouvelle venue Isabella Russo, offrent à We have a ghost un semblant d’âme et de profondeur. Leurs échanges sur la pression de la réussite et de la conformité aux espoirs de leurs parents, d’autant plus forte qu’ils sont tous deux issus de familles racisées. Dommage que cela ne soit pas plus visible à l’image et que le public doive se contenter de dialogues explicitant les thèmes du film à haute voix.
Des conflits multiples, dignes d’intérêt, mais finalement peu discernables
La quête d’identité d’un fantôme, les difficultés relationnelles et financières d’une famille afro-américaine, la popularité sur les réseaux sociaux qui frise le ridicule et finalement la traque de deux adolescents et dudit fantôme par les services de renseignements, autant de menaces qui s’agencent mal. User du fantôme comme d’un animal ou d’une créature extra-terrestre rapprochant parent et enfant est une formule qui a fait ses preuves, mais ne peut s’appliquer ici puisqu’il n’y a aucun véritable motif de dispute entre Kevin et son père, si ce n’est les incompréhensions répétées entre eux. Individualisés davantage, les membres de la famille Presley auraient paru bien moins interchangeables avec toutes les familles les ayant précédés à l’écran.
En outre, la critique des médias et du succès sur TikTok et autres plateformes reste pauvre et répétitive, devenant non pas un thème à creuser, mais un deus ex machina pour scénariste en manque d’inspiration, alors qu’il s’agit du seul élément véritablement contemporain que le film introduit.
Un mélange entre comédie et horreur intéressant, mais malhabile
Le réalisateur et scénariste Christopher Landon est loin de son premier essai dans le genre horrifique puisqu’il a contribué à la résurgence des slashers comiques avec les charmants Happy Birthdead (2017), sa suite ou encore Freaky (2020). Mais le passage du tueur avide de sang au gentil fantôme digne d’un téléfilm Disney Channel semble l’empêcher de faire l’étalage de sa maîtrise. Peu crédible par ses effets visuels laids et une photographie mal maîtrisée, l’ectoplasme est plus ridicule que poignant et achève de ranger cette production Netflix dans la moyenne oubliable du catalogue.
S’il ne fallait retenir qu’un passage exemplifiant le cafouillage de We have a ghost, ce serait celui entre l’anxiogène descente de la CIA au milieu de la nuit chez les Presley, et une grossière blague autour d’une voiture. L’humour anéantit ici tout sentiment d’angoisse tant la rupture de ton est évidente. A force de titiller notre nostalgie avec des références aux comédies américaines des années 80, Christopher Landon en oublie que nous sommes en 2023, et que le rapport du public tant au tempo comique qu’aux violences policières et familles en rupture a bien changé.
Vivement une comédie fantastique proche de son époque et de ses protagonistes et regardant devant elle, plutôt qu’une œuvre tentant vainement, une fois de plus, de réanimer des spectres et de tirer sur les ficelles de pantins usés jusqu’à la moelle.
2,5/5 ★
«We have a ghost» est disponible depuis le 24 février sur Netflix.
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