Article24. Oktober 2023 Maria Engler
Meurtre dans la boucle du temps, 5 bonnes raisons de regarder «Bodies» sur Netflix
«Bodies», la nouvelle série Netflix, fusionne les genres du polar, du thriller et de la science-fiction en y ajoutant une généreuse dose de voyage dans le temps. Une série étonnante à découvrir depuis le 19 octobre sur Netflix. On décrypte.
(Un texte de Maria Engler, traduit de l'allemand)
En 1890, 1941, 2023, et 2053, un même homme est retrouvé abattu sur Longharvest Lane dans l'East End de Londres. Quatre détectives doivent alors mener l'enquête, chacun à leur époque. La traque les emporte dans des sphères périlleuses tandis qu'émerge un énigmatique leader politique dénommé Elias Mannix, et bientôt se dévoile une conspiration étendue sur plus de 150 ans. Tournée dans l'emblématique quartier de Whitechapel, voilà cinq raisons de ne pas manquer «Bodies», passionnante série aux airs de polar entremêlée de voyages dans le temps.
1. Voyage, Voyage…
Un cadavre apparaît à quatre époques différentes, vêtu de son plus simple appareil, gisant sur le sol de la même ruelle, le corps recouvert des mêmes blessures. L'accroche de la série «Bodies» est terriblement haletante et laisse le public avec une foule de questions en suspens, même après les trois épisodes visionnés pour ce texte.
Adaptée du roman graphique éponyme de Si Spencer (la série lui est d'ailleurs dédiée), publié dans la collection Vertigo de DC Comics, la série «Bodies» révèle dans chacune de ses quatre époques une palette de mystères qui ne demandent qu'à être reliés les uns aux autres. L'apparition des protagonistes dans les diverses lignes temporelles, les étranges symboles et les appels mystérieux rappelleront sans doute la série à succès «Dark». Les deux programmes Netflix partagent en effet la même complexité et une opacité scénaristique semblable. Toutefois, en se concentrant sur des personnages appartenant au même corps de métier, à savoir les enquêteurs de police, «Bodies» est un peu plus sage.
2. Quatre séries pour le prix d’une
Vous aimez les romans policiers, mais votre mère est une adepte de la science-fiction et votre meilleur ami ne se lasse pas des voyages historiques ? Que tout le monde soit rassuré, «Bodies» assurera l'harmonie des ménages car il y en aura pour tous les goûts. Qu'il s'agisse d'une escapade dans le Londres victorien du début des années 40, ravagé par la guerre, de la métropole contemporaine ou d'une version futuriste et éminemment technologique de la capitale anglaise, tous les échelons temporels de la série surprendront par leurs qualités esthétiques et leurs charmes singuliers.
Si une préférence se dessine pour certains pans de l'histoire, c'est notamment grâce à la diversité de ces protagonistes qui nous conduisent dans les ruelles de leur temps. Une trame passionnante s'en dégage alors que toutes et tous luttent contre leurs propres démons, uni.e.s dans le cadre de cet insondable enquête pour meurtre.
3. Les enjeux inhérents aux époques
Dans le Londres de 1890, le policier Edmond Hillinghead (Kyle Soller) se débat avec son homosexualité naissante, alors que celle-ci constitue un crime dans l'Angleterre de l'époque. En 1941, le juif Karl Whiteman (Jacob Fortune-Lloyd) doit faire face à l'hostilité et l'antisémitisme de ses collègues, tandis qu'en 2023, la musulmane Shahara Hasan (Amaka Okafor) doit faire face aux manifestations d'extrême droite dans le cadre de ses fonctions. Enfin, dans l'espoir de surmonter son handicap, en 2053, Iris Maplewood (Shira Haas) doit s'adapter à l'émergence de cet État policier et opte pour l'obéissance, une décision qui la sépare de sa famille.
La marginalité constitue un intéressant point commun entre les personnages principaux, ciment d'une narration éclatée à travers le temps. Au fil des chapitres et du savant maillage temporel, il est passionnant d'observer les luttes sociales qui sont menées et la manière dont la société évolue. Ainsi, le personnel de la police se diversifie progressivement, tandis que chaque époque apporte son lot de conflits. Une réflexion sur la discrimination et l'émancipation est ainsi intégrée de manière subliminale, et confère une profondeur bienvenue aux événements de cette nouvelle série.
4. Progrès et satire
Alors qu'en 1890, les empreintes digitales sont le seul moyen d'investigation et que les autopsies relèvent encore d'un artisanat rudimentaire, les analyses d'ADN en 2023 et les gadgets du futur permettent de regrouper les preuves de manière beaucoup plus efficace. La série plonge le public au plus près de ces méthodes de travail et accompagne les enquêteurs dans le recueil et le dépouillement des éléments de l'enquête. En marge du récit amiral, l'histoire de ces procédés est rendue tangible, faisant de «Bodies» une véritable série policière.
À ce titre, il est aussi surprenant de voir, en 1890, un groupe de badauds se rassembler autour du corps avant l'arrivée de la police et détruire ainsi les indices. En 1941, la corruption semble être de rigueur, et en 2053, on assiste à l'émergence d'une servitude inéluctable des populations. Les personnes convoquées chez leurs superviseurs y sont conduites sans ménagement par une voiture autonome. Toute résistance est inutile et «Bodies» n'hésite pas à critiquer le travail de la police, quelle que soit la décennie.
5. Voyager oui, mais avec style
Dès le premier épisode, nous sommes les témoins oculaires d'une autopsie qui est effectuée parallèlement en 1890 et en 2023 ; les différences ne pourraient être plus flagrantes ! À partir du deuxième épisode, les indications temporelles ne seront plus nécessaires pour orienter le public. Le passage entre les différentes époques est clairement identifié grâce à la lumière, au travail de la cheffe décoratrice Tanya Bowd («Indiana Jones and the Dial of Destiny»), à la photographie de Joel Devlin et Paul Morris et aux compositions du musicien Jon Opstad.
Réalisée par le tandem Marco Kreuzpaintner et Haolu Wang, si l'intrigue de la série «Bodies» est particulièrement captivante, le style et l'esthétique globale de la série le sont tout autant. Une prouesse dès son générique d'ouverture. En effet, les adeptes de typographie seront conquis tant l'ouverture rayonne d'une ingénieuse mise en animation, épurée, on ne peut plus efficace, et dans le style d'une horloge à bascule qui sera d'ailleurs utilisé à plusieurs reprises tout au long de la série. Bref, un régal à bien des égards, et ce ne sont pas les raisons qui manquent pour aller faire un tour du côté de «Bodies» sur la plateforme au nez rouge.
4/5 ★
«Bodies» est disponible sur Netflix depuis le 19 octobre.
Bande-annonce de «Bodies»
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