Critique11. August 2022

75e Locarno Film Festival : «Semret» - A la croisée des mondes

75e Locarno Film Festival : «Semret» - A la croisée des mondes
© cineworx

Plus connue pour ses talents de montage, cette année la cinéaste tessinoise Caterina Mona s’est offert Locarno pour son premier film. «Semret» se fait le délicat portrait d’une femme érythréenne, mère et sage-femme à Zurich.

Caterina Mona connait bien le Festival de Locarno. La cinéaste tessinoise y a travaillé avant d’y présenter un court-métrage en 2017. Et la voilà de l’autre côté du miroir pour célébrer son premier long-métrage devant la prestigieuse marée de chaises “léopard” de la Piazza Grande. Empruntant au documentaire, parée d’une réalisation attentive, «Semret» se pose tendrement pour faire le récit de cette femme érythréenne et de sa relation complexe avec sa fille. Surprenante d’intériorité, les traits creusés par la fatigue, l’artiste et actrice de théâtre Lula Mebrahtu fait rayonner cette femme, pourtant épuisée par le poids de sa vie en Érythrée. Et sa jeune fille (interprétée par une Hermela Tekleab très solaire), d’égrener des questions sans réponse.

Pour relever la tête, il y aurait bien cette formation de sage-femme; un rêve aux mains d’un personnel soignant paternaliste et empêtré dans cet indéfectible lien de subordination qui chaque jour l’éloigne un peu plus de son objectif. Et Semret d’entonner “ce n’est pas ma faute, ce n’est pas ma faute”. Alors cloitrée dans cet entre-deux-mondes où l’on parle bien des langues, réfutant avec véhémence les liens avec sa communauté pour essayer de mieux s'intégrer, elle en devient même incapable d’accepter dans sa vie la venue d’un Tedros Teclebrhan pourtant charmant. Ainsi, Caterina Mona explore au travers de Semret le poids des traumas, et des thématiques de filiation, d’intégration et de migration sur le sol helvétique.

La pellicule éthérée offre à ces questionnements fondamentaux une vibrance particulière. Caterina Mona prend le temps de raconter son histoire, et laisse aux images la liberté de se décanter d’elles-mêmes. Un premier long-métrage en retenue, subtil, qui laissera certainement transparaître l’intériorité profonde de ses protagonistes. «Semret» sera de ces films d'où se dégage une grâce furtive et inattendue.

4/5 ★

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