Critique10. August 2022 Theo Metais
75e Locarno Film Festival : «Sermon To The Fish» - L’après-guerre d'Hilal Baydarov
Après «In Between Dying» et «Crane Lantern», le cinéaste Hilal Baydarov dévoile un nouveau conte onirique, une fable étouffante sur les ravages de l’exploitation pétrolière. En lice pour le Léopard d'or.
Davud (Orkhan Iskandarli) rentre victorieux de la guerre, mais rien ne reste de son village ni de celles et ceux qu’il a connus. Une maladie ravage et ronge les sols, les êtres, l’eau et les poissons. La terre devenant aussi inhabitable qu’un triste songe. Pour son nouveau film, Hilal Baydarov a planté sa caméra parmi les montagnes d’Azerbaïdjan, par-delà les puits de pétrole qui hantent l’arrière-plan de cette pellicule flavescente.
À l’aube d’un double deuil abominable, celui des proches et du futur, frère et sœur (Rana Asgarova) s’arrangent de cette dystopie. Elle parle aux éléments, demande à l’arbre de lui ramener la voix divine. Davud, lui, perd la tête, égrène les noms de ses camarades morts lors de la guerre au Haut-Karabagh, et un chien aboie face au spectacle interminable des sépultures en flammes.
Coproduit par la Suisse, ce film azerbaïdjanais révèle un geste cinématographique d’une poésie lourde et silencieuse. «Balıqlara xütbə» («Sermon To The Fish») sera tout à la fois sensoriel, lyrique, organique, éprouvant, énigmatique et hypnotique pour parler des ravages psychologiques de la guerre et de ce pétrole qui imbibe les sols. Une réalisation qui méritera de son audience une attention dévouée. Hilal Baydarov offre un spectacle de calamité. Alors, la marée est d’huile, certes, mais jamais elle ne cesse de refléter cet étrange soleil. Crépusculaire!
4/5 ★
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