Critique18. September 2019 Lino Cassinat
«Ad Astra» - La tête dans les étoiles, les pieds sur Terre
Depuis un certain temps, il semble bien que le film d’exploration spatiale provoque un regain de fascination. Et pour cause: l’espace semble être la caisse de résonance idéale de notre époque, prisonnière d’une Terre proche de l’auto-destruction totale et cherchant désespérément un futur proche. Tour à tour échappatoire nécessaire à l’humanité («Interstellar», «Seul sur Mars»), illusion perdue de terre promise («First Man») ou encore vertigineuse leçon d’humilité («Gravity»), la frontière finale agrège de nombreux fantasmes contradictoires, auxquels il faut maintenant ajouter «Ad Astra» de James Gray.
L’astronaute Roy McBride s’aventure jusqu’aux confins du système solaire à la recherche de son père disparu et pour résoudre un mystère qui menace la survie de notre planète. Lors de son voyage, il sera confronté à des révélations mettant en cause la nature même de l’existence humaine, et notre place dans l’univers.
Immédiatement en sortant d’«Ad Astra», les raisons (justifiées ou non) qui expliquent pourquoi la Mostra de Venise ne lui a accordé aucune récompense apparaissent assez clairement. Après «Gravity», «First Man» et «Interstellar», la mise en scène de James Gray paraît bien peu innovatrice dans le genre, et ce, malgré sa très grande beauté plastique. Au point qu’il n’y a aucun scrupule à dire que deux péripéties du film donnent lieu à deux séquences d’action qui, sans être ratées, confinent à l’anecdotique.
«L’écriture et le regard de James Gray sont d’une puissance tout simplement terrassante...»
Pour autant, résumer en quelques lignes les qualités d’«Ad Astra» est un vrai défi, tant elles sont nombreuses et surtout tant le film est riche de nombreuses thématiques profondes et passionnantes. L’écriture et le regard de James Gray sont d’une puissance tout simplement terrassante, et de ce point de vue, «Ad Astra» a tout à fait sa place aux côtés de «Two Lovers» et «The Lost City of Z», et apporte même dans son sillage un petit parfum de nouveauté dans la filmographie du réalisateur.
«Ad Astra» est traversé par un curieux et franchement angoissant sentiment dystopique, qui amène une couleur politique assez inédite chez James Gray et qui manquait cruellement à «First Man» (véritable jumeau inverse d’«Ad Astra», très réussi en terme d’action mais terriblement déficient dans son écriture et dans le traitement de son héros). Pire encore, en renvoyant la quête de nouvelles formes de vie au fait religieux, le cinéaste assène une vraie claque et remet de nombreuses pendules à l’heure, et questionne avec une frontalité bienvenue les motivations réelles de la conquête spatiale, véritable poursuite opportuniste de chimères cosmiques.
«La performance de Brad Pitt, très clairement à ranger dans le top 5 des meilleures de sa carrière...»
Et bien évidemment, on ne surprendra personne en disant que James Gray excelle encore et toujours dans sa dépiction des drames intimes et de la masculinité. On vous laisse découvrir le film sur cet aspect-là, mais on ne peut pas faire l’économie d’une louange sur la performance de Brad Pitt, très clairement à ranger dans le top 5 des meilleures de sa carrière.
En bref!
Pour certains, la réalisation d’«Ad Astra», pourtant d’excellente facture, pourra souffrir de la comparaison avec des aînés plus époustouflants... mais aussi plus creux. Un défaut que n’a pas «Ad Astra», une aventure exhaustive et stimulante.
4,5/5 ★
Plus d'informations sur «Ad Astra».
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