Critique8. Februar 2021 Sven Papaux
Amazon Prime: «Bliss» - L’ambiguïté d’une existence qui n’est plus que ruine
Mike Cahill possède des qualités indéniables de cinéaste. En misant une nouvelle fois sur le genre science-fiction, il propulse le duo Owen Wilson et Salma Hayek entre 2 mondes.
Greg Wittle (Owen Wilson) ne vit pas les meilleurs moments de sa vie: un divorce, un licenciement et… le meurtre (accidentel) de son boss. Alors qu’il traîne son spleen, il fait la rencontre d’une étrange SDF, Isabel (Salma Hayek). Elle lui expliquera que tout ce que nous vivons est faux, qu’une existence bien plus glorieuse se trame derrière ses problèmes personnels. Il suffit juste d’ingérer quelques cristaux pour s’échapper.
Dans la même lignée de ses premiers métrages, Mike Cahill persiste dans la science-fiction et use d’une forme de rêve, voire de réalité alternative, pour conter une fable aux airs de méditation sur le monde dans lequel nous vivons. Il y a 7 ans, il réalisait «I Origins», déballant une réflexion sur la vie après la mort, et en 2011, il pondait «Another Earth», une histoire de duplication de la Terre. Deux premiers films qui se visionnent comme une métaphysique de ce que nous percevons, de ce que notre œil interprète comme notre réalité. Cahill a des choses à dire, il a une patte et des qualités indéniables qui le rendent intriguant à suivre. «Bliss» est à l’image de son auteur: intriguant. À l’image de ses premières œuvres. Il y règne dès les premières minutes une atmosphère pesante, un enfermement moral qui tord et déforme la réalité et nous entraine dans cet univers parallèle.
Une atmosphère pesante, un enfermement moral qui tord et déforme la réalité...
Nous avançons dans cette ambiguïté entretenant une tension flottante. Cahill réussit dans un premier temps à nous balader - tout en maitrisant correctement, et sans déployer une panoplie d’effets spéciaux, le basculement entre les deux mondes - dans l’existence au bord du chaos de Greg, tout en jouant dans un second temps l’élastique entre la beauté d’une vie cachée et une fille qui tente par tous les moyens d’arracher son père de «l’autre» réalité. Le mystère tient, mollement, mais il tient grâce à l’impact émotionnel, grâce à Emily (Nesta Cooper), cette jeune fille qui macère dans cette zone grise, se battant pour que son père «choisisse une bonne fois pour toutes son monde». On commence à dénouer laquelle des réalités est la bonne. Et si la première partie nous tient en éveil, la seconde partie nous perd dans cette fuite vers un monde idéal et la dramaturgie en prend un gros coup sur la cafetière.
En se penchant sur le travail de Cahill, ses premiers films étaient plus aboutis, offraient une vision plus radicale, plus poétique, plus originale. Pour le coup, «Bliss» constitue une déception relative. Il manque une profondeur intellectuelle. Les quelques soucis d’écriture se reflètent sur une direction d’acteurs moyenne: Salma Hayek ne semble jamais croire en son personnage, alors qu’Owen Wilson n’arrive jamais à se rendre crédible sous les traits de Greg. Le gros point faible réside dans le casting. Car «Bliss» offre quelques belles parcelles d’illusion et de réalité, surfant sur une poésie - parfois scabreuse - en y insufflant une touche de fragilité bienvenue. Malgré des qualités, il nous manque ce trouble, ce vertige qu’offre un film tel que «Vanilla Sky», par exemple.
2,5/5 ★
Disponible dès maintenant sur Amazon Prime
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