Critique12. September 2024

Au cinéma: «Le Fil», la vérité embobinée

Au cinéma: «Le Fil», la vérité embobinée

Où se trouve la vérité ? Face à son client accusé de meurtre, Jean Monier (Daniel Auteuil), avocat de province, est certain de la détenir. Cette façade commence à se craqueler dangereusement lorsque, par petites touches, une autre vérité se fait jour, ébranlant sérieusement les convictions de l’homme de loi.

(Une critique de Laurine Chiarini)

Quinze ans: c’est le nombre d’années depuis lesquelles Jean Monier, avocat en Camargue, n’a pas plaidé aux assises, quand il avait défendu avec succès un homme accusé d’assassinat. Un soir, pour rendre service à sa femme, elle aussi avocate, il accepte de la remplacer en tant qu’avocat commis d’office auprès de Nicolas Milik (Grégory Gadebois), accusé du meurtre de son épouse. Persuadé de l’innocence de son client, prenant l’affaire à cœur, il se lance corps et âme dans la défense du père de famille. Face à une enquête qui, peu à peu, révèle des failles dans l’histoire de l’accusé, son défenseur n’en semble que plus déterminé.

Six ans après son passage derrière la caméra pour Amoureux de ma femme, il fallait à Daniel Auteuil une raison drôlement persuasive pour endosser à nouveau la double casquette d’acteur et de réalisateur. Cette raison, c’est dans le blog de Maître Mô qu’il l’a trouvée, «petite chronique judiciaire, ordinaire et subjective» alimentée par un avocat au Barreau de Lille aujourd’hui disparu. Le sujet du film est inspiré de l’une des innombrables anecdotes dont regorgeait le blog, des histoires du quotidien a priori banales, qui pourraient arriver au voisin d’à côté, mais se retrouvent, au carrefour d’existences fracassées, en faits divers sur la première page des journaux.

Au cinéma: «Le Fil», la vérité embobinée
Daniel Auteuil et Grégory Gadebois dans «Le Fil © Praesens Film

L’intime conviction fait référence à une manière de juger qui prend en compte un acte et une personne dans leur réalité et leur subjectivité. «Intime» reflète une notion intérieure, plus secrète, propre à chacun: c’est le côté humain – et, forcément, faillible, dans toute sa force et sa fragilité. C’est aussi une spirale dans laquelle Monier se laisse peu à peu sombrer, venant à mettre sa propre personne en retrait tant sa détermination l’anime. Construit par petites touches, un réquisitoire se met peu à peu en place devant nos yeux, face à un avocat à la vision rétrécie par ses propres œillères. Par la voix de l’entourage de l’accusé, un portrait alternatif se dessine: où est la vérité ?

Proche des visages de ses sujets, la caméra ne les montre que rarement de face : souvent de profil, par petites touches, en gros plan sur une bouche qui tente d’expliquer, un regard qui veut fusiller. Tout aussi rares sont les coins de ciel bleu, laissant largement la place à des scènes soit d’intérieur, éclairées par le formalisme des néons entre les murs de la salle d’audience, soit des lumières de nuit, crépusculaires ou obscurcies par une pluie battante. Littéralement, l’homme de loi est dans le noir. Tombé brutalement dans la zone grise, qui ne peut exister que hors d’un monde manichéen forcément plus facile, sa chute n’en est pas une. Petite leçon d’humanité, et d’humilité, elle renvoie aux travers qui font de chacun-e d’entre nous un être singulier.

4/5★

Depuis le 11 septembre au cinéma.

Plus d'informations sur «Le Fil»

Bande-annonce du film «Le Fil»

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