Critique26. August 2024

Au cinéma: «La prisonnière de Bordeaux», entre contraste des classes, solitude et sororité

Au cinéma: «La prisonnière de Bordeaux», entre contraste des classes, solitude et sororité
© Adok Films

Dans sa nouvelle fiction, Patricia Mazuy raconte la naissance d’une amitié improbable entre deux femmes de détenus, incarnées par les parfaites Isabelle Huppert et Hafsia Herzi.

(Une critique de Marine Guillain)

Un gros plan sur des roses, un paquet-cadeau qui tombe au sol, Isabelle Huppert qui sort de chez le fleuriste avec un bouquet presque aussi grand qu'elle... Après cette jolie scène d’introduction musicale au son de la voix rauque de Sarah McCoy, direction la prison. Alma, (Isabelle Huppert) riche bourgeoise, croise Mina (Hafsia Herzi), qui s’est trompée de jour de visite. Comme cette dernière habite loin, Alma lui propose de manger ensemble et de l'héberger jusqu'au lendemain. Immédiatement, le contraste entre la demeure de luxe avec gouvernante où vit Alma et le milieu populaire d'où vient Mina est saisissant.

La première se sent seule dans le faste d’une maison trop grande, attendant sans enthousiasme la sortie de prison de son mari, condamné pour délit de fuite sur un accident de la route qu’il a provoqué avec son amante à côté de lui. La seconde a hérité des galères causées par son homme, liées à une affaire de bijoux volés, et doit gérer seule ses deux jeunes enfants. Deux femmes enfermées dans des vies diamétralement opposées, mais liées par le vide, la solitude, et un besoin viscéral de se libérer. De là, naîtra ainsi confiance mutuelle, complicité, tendresse, dans une amitié complexe et nuancée, mais authentique, défiant toutes les conventions sociales.

Au cinéma: «La prisonnière de Bordeaux», entre contraste des classes, solitude et sororité
Isabelle Huppert et Hafsia Herzi dans «La prisonnière de Bordeaux» © Adok Films

Isabelle Huppert (71 ans, plus de cent films à son actif) et Hafsia Herzi (37 ans et une cinquantaine de films derrière elle) forment un duo parfait avec des interprétations très justes, tout en finesse. «Le cinéma, c’est l’art du silence», nous avait lancé la première lors d’une rencontre à Lausanne en avril dernier. Et justement, l’essentiel de leur jeu passe par des regards, des attitudes, des non-dits… qui veulent dire beaucoup. Anecdote cocasse: peu avant «La prisonnière de Bordeaux», ces deux grandes actrices ont tourné ensemble dans «Les Gens d’à côté», d’André Téchiné, drame qui mettait aussi en scène la naissance d’une amitié entre elles. Quant à Patricia Mazuy, avant de passer à la réalisation («Peau de vache», «Bowling Saturne»), elle a fait ses armes avec les plus grand.e.s, puisqu’elle a été stagiaire sur le film «Une chambre en ville» de Jacques Demy puis monteuse pour Agnès Varda («Sans toit ni loi»). Ses collaborations avec la cinéaste se ressentent dans «La prisonnière de Bordeaux», à travers une approche du sujet véritablement réaliste, directe et humaine.

4/5★

Le 28 août au cinéma.

Plus d'informations sur «La prisonnière de Bordeaux».

Bande-annonce de «La prisonnière de Bordeaux»

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