Critique15. Mai 2019 Sven Papaux
Cannes 2019 : Jim Jarmusch ouvre le 72ème Festival de Cannes avec « The Dead Don't Die »
Film d’ouverture cette année à Cannes, retour après « Gimme Danger » et surtout la pépite « Paterson », Jim Jarmusch a l’honneur d’ouvrir les hostilités avec une comédie zombiesque, portée par un casting de haut-vol.
Nous faisons connaissance avec Cliff Robertson (Bill Murray) et Ronald Peterson (Adam Driver), deux flics qui font régner l’ordre à Centerville, un petit patelin où rien ne se passe. Mais des choses inexplicables commencent à apparaître : la lune reste omniprésente, le jour joue les prolongations, les animaux s’excitent et l’ambiance aussitôt devient bizarre. Cerise sur le gâteau : les morts reviennent à la vie. Le monde part en cacahuète.
Bob l’ermite (Tom Waits), un gros flingue en bois dans les mains, aurait volé un poulet, d’après Miller (Steve Buscemi), le fermier du coin. Fier porteur d’une casquette flanquée d’un « Make America White Again » et, surtout, pote avec Hank (Danny Glover), un habitué du café, afro-américain… Là est l’humour décalé. Le cinéma de Jim Jarmusch, avec ses facéties, ses drôleries, tout en décalage, toujours désabusé et nonchalant.
Jim Jarmusch veut nous prendre à contre-pied ...
Des bizarreries, coquecigrues existentielles, un cauchemar éveillé qui voit l’agent Peterson répéter encore et encore que tout cela va mal finir et qu’il a même lu le script. C’est vu : Jim Jarmusch veut nous prendre à contre-pied. Alors quand la Terre a dévié de son axe, les zombies viennent s’inviter à la fête de Centerville. Open bar pour nos amis les zombies.
Ce coin reculé des États-Unis où tout est suspendu, où le café matinal reste un passage obligé de la journée, où le poste de police ne compte que 3 collaborateurs : Cliff, Ronald et Minerva, interprétée par Chloë Sevigny. Il y a l’étrange croque-mort, Zelda (Tilda Swinton), une Écossaise totalement barrée, adepte des chorégraphies un sabre à la main. Il y a Bobby Wiggins (Caleb Landry Jones), surnommé Frodon par son ami facteur (RZA). Et il y a les inconnus, les touristes, joués par Selena Gomez, Austin Butler et Luka Sabbat, qualifiés de « hipsters de Cleveland ».
Et les zombies dans tout ça ? Iggy Pop débarque - avec un superbe maquillage - pour s’empiffrer de chair fraîche, lui le mort-vivant caféinomane. Les autres fleurissent, avec différents mots en bouche : « wifi », « fashion », « bluetooth » ou encore « chardonnay ». Des mots qui ne sont pas anodins, dont le message est bien clair : le monde creuse sa propre tombe par ses agissements. Jim Jarmusch, le grand, le talentueux, hisse le drapeau de la (grosse) critique sociétale en bonne et due forme.
La société de consommation égratignée...
La société de consommation est égratignée de manière un peu approximative, Jarmusch empêtré dans un message difficile à cerner dans une première heure mais un film de très bonne facture. Un humour qui roule, qui amorce une très bonne première partie avant de sombrer dans un message alarmiste (trop) appuyé. Comme une impression que Jim Jarmusch s’est emmêlé les pinceaux au moment du bouquet final.
En bref !
Un très joli casting, parfois sous-exploité, comme Iggy Pop en zombie ou Steve Buscemi dans son costume de fermier grincheux, mais The Dead Don't Die fait montre d’une belle maîtrise humoristique, d’un ton décalé comme on les aime. Toutefois, l’hommage appuyé à Georges Romero - Dawn of the Dead - est boursouflé, un peu maladroit. Une fin amère, abrupte, mais difficile de bouder notre plaisir.
3,5/5 ★
Plus d'informations sur The Dead Don't Die.
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