Critique25. Mai 2023 Cineman Redaktion
Cannes 2023 : «Simple comme Sylvain», la trajectoire d’un amour, de la simplicité à l’extrême difficulté
Sélectionné dans Un certain regard, «Simple comme Sylvain» est la troisième réalisation de Monia Chokri. Parfois cruel, parfois complètement hilarant, le film, un peu moins maitrisé que ses précédents, confirme néanmoins ce que l’on pressentait à propos de sa réalisatrice : elle est l’une des plus passionnantes cinéastes de l’actualité.
(Une critique de Kevin Pereira, depuis Cannes)
Sophia (Magalie Lépine Blondeau), professeure de philosophie à l’université, incarne avec Xavier (Francis-William Rhéaume), son mari, un modèle de stabilité et de tendresse. Mais l’amour, on le sait, est férocement soumis au hasard : lorsque Sophia rencontre Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), un ouvrier en bâtiment, elle voit sa vie sentimentale chamboulée.
Monia Chokri fait le pari risqué de situer son dernier film dans un terrain déjà bien défriché par le cinéma francophone : le territoire amoureux. Si elle ne révolutionne nullement les attendus solidement arrimés à ce genre, cette variation sur le thème du coup de foudre ravageur se démarque par ce qui fait la grande force de sa réalisatrice : son double génie, du comique et du rythme, qui évoque d’évidence les grandes heures de Woody Allen.
D’abord placé sous le signe de l’effervescence – de la brûlante passion –, le désir qui unit Sophia et Sylvain est logiquement mis en scène comme une complicité essentiellement érotique. À ce titre, le travail opéré par le montage sublime l’ardeur des premiers élans amoureux en la matérialisant par un tempo abrasif. Se dégage alors de cette première partie du long-métrage une énergie explosive et contagieuse que la distribution exacerbe par un jeu généreux, amoureux et émouvant.
Mais si cette première partie – celle de la rencontre avec Sylvain – est une belle réussite, la deuxième moitié du film – qui part de l’officialisation de leur relation pour se terminer par leur séparation – s’avère beaucoup moins convaincante. C’est que la matière même du récit de Chokri change de nature : le traitement du désir, ce feu à même de transcender la distance de classe, cède alors sa place au motif plus conventionnel des rapports de domination. Plus attendu dans sa narration, ce thème s’avère aussi moins inspiré visuellement.
On regrette, par exemple, l’installation d’une mise en scène dichotomique qui consiste à dépeindre le malaise de Sylvia, puis celui de Sylvain, à travers des scènes de repas avec leur entourage respectif. Procédé déjà entrevu dans «La vie d’Adèle», cette opération, si elle témoigne d’une grande précision d’écriture, affiche trop lourdement son ambition sociologique, en particulier par les dialogues qui tendent constamment à souligner la différence de capital culturel entre les amoureux. Discrète et insidieuse, la cruauté propre à la violence symbolique est alors efficacement mise au jour, mais sa manifestation fait basculer le nouveau film de Monia Chokri vers une forme plus asséchée. On attend néanmoins la suite avec impatience.
3,5/5 ★
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Extrait de «Simple comme Sylvain»
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