News16. Juli 2024

Cinéma queer: 10 films suisses à (re)découvrir à l'occasion de la Pride romande

Cinéma queer: 10 films suisses à (re)découvrir à l'occasion de la Pride romande
© First Hand Films / «Something You Said Last Night»

Les 19 et 20 juillet prochain se tiendra la Pride romande à Martigny. Pour cette occasion, nous vous proposons une sélection de dix films queer suisses à connaître absolument.

(Avec les contributions de nos auteurices Irene Genhart, Pascaline Sordet, Colin Schwab, Kevin Pereira, Théo Metais, Clélia Godel, Eleo Billet, Emma Raposo et Laurine Chiarini)

Si les productions queer ont réussi à se faire une place dans le cinéma mainstream depuis le succès critique et financier du long métrage «Le Secret de Brokeback Mountain» réalisé par Ang Lee en 2006, elles n'ont pas attendu les années 2000 pour faire le beau temps d’un paysage audiovisuel international plus underground et artistique.

De Jean Delannoy et «Les Amitiées Particulières» en 1964, au «The Rocky Horror Picture Show» de Richard O'Brien en 1975, les années 60 et 70 ont déjà permis aux réalisateurices de conter leurs histoires queer plus ou moins explicitement. Pourtant, en Suisse, ce n’est vraiment qu’à la fin des années 80 que le public peut enfin profiter d'une représentation ouvertement LGBTQIA+ sur les écrans. Alors, pour accompagner la Pride romande et le souvenir des émeutes de Stonewall, voici dix productions queer helvétiques à rajouter dans votre vidéothèque.

«Le cercle»

Zurich, fin des années 50. L'homosexualité, bien que légale, est toujours très mal vue et le Kreis - le Cercle -, une organisation clandestine, offre un rare espace de liberté et d'expression à ses membres grâce à ses publications et ses bals. Le timide Ernst Ostertag (Matthias Hungerbühler) y rencontre l'artiste Röbi Rapp (Röbi Rapp), dont il tombe amoureux. Les deux hommes vont tenter de vivre leur amour alors que les autorités resserrent leur étau sur l'organisation.

Le réalisateur Stefan Haupt offre un morceau méconnu d'histoire suisse dans un format hybride, à la fois documentaire et reconstitution. Au sein de l'organisation, il conte la lutte du Kreis pour l'émancipation des homosexuels et la véritable histoire d'amour de Ernst et Röbi qui deviendront, en 2002, le premier couple homosexuel du canton de Zurich à s'unir grâce au partenariat enregistré.

«Something You Said Last Night»

Ren (Carmen Madonia), écrivaine en devenir, part en vacances avec ses parents (Ramona Milano, Joe Parro) et sa sœur (Paige Evans). Dans la station balnéaire qui les accueille, plage, pédalo et jeux de société – tout en ayant toujours la tête à moitié plongée dans son smartphone – seront les principales occupations. Ponctuant le bon temps, plusieurs tensions liées aux pressions qu’exercent le travail et l’étiquette sociale sur les individus, mettront au défi les liens forts qui unissent cette famille.

Pour son premier long métrage, co-production hélvetico-canadienne, Luis De Filippis montre la violence discrète d’un quotidien en manque d'ancrage, mais célèbre les instants d’épanouissement de Ren et l’amour inconditionnel que les membres de sa famille lui portent. Elle-même personne trans, comme sa protagoniste, la cinéaste illustre avec savoir-faire la confrontation entre Ren et les idées pré-conçues du monde extérieur.

«F. est un salaud»

Zurich, début des années 1970. Beni (Vincent Branche), 16 ans, tombe sous le charme de Fögi (Frédéric Andrau), un musicien de rock de dix ans son aîné, et décide de l'accompagner sur la route. Doucement, le jeune garçon se laisse entrainer dans une spirale destructrice et, prêt à tout par amour, finit par se prostituer afin de financer la consommation de drogues de son partenaire.

Adaptation cinématographique du roman éponyme de Martin Frank paru en 1979, «F. est un salaud» est la première histoire d'amour helvétique ouvertement queer du cinéma. Si le roman est écrit en bernois, Marcel Gisler préfère tourner le film en français. Une œuvre qui a impacté la fin des années 90, jusqu'à recevoir le Prix du cinéma suisse dans la catégorie meilleur film de fiction en 1999.

«Loving Highsmith»

Connue pour ses romans policiers, la double vie de l'auteure Patricia Highsmith en tant que femme lesbienne dans l'Amérique conservatrice des années 50 et 60 ne fut découvert qu'après sa mort grâce à des notes et des journaux intimes. Ces supports écrits servent de base au biopic de la réalisatrice bâloise Eva Vitija qui les met en parallèle avec des extraits de ses œuvres littéraires.

Le documentaire déroule alors un récit précieux sur la solitude et le rejet, entrecoupé d'entretiens avec les ami.es et la famille de l'artiste. Se dessine ainsi au fil des plans, au gré d’un montage érudit, oscillant entre symbolisme et pragmatisme, un portait de femme complexe, dont la désinvolture tranche parfois avec une profonde solitude.

«La parada (notre histoire)»

En 2001, six femmes et un homme organisent une première Gay Pride à Sion, le chef-lieu du Valais, un canton particulièrement catholique. Entre le manque d'aide de la commune, les voix queer qui jugent le concept comme trop timoré, ou encore les opposant locaux qui dénigrent l'événement, il va falloir faire preuve de courage et de persévérance. Un article se moquant de la manifestation va pourtant la propulser à la une des médias suisses.

Armé de sa caméra, le Suisse romand Lionel Baier suit les préparatifs de l'événement. Son documentaire décrit les craintes, les affronts, mais aussi l'euphorie de ce 7 juillet 2001, un jour historique pour le pays qu'il faut garder en mémoire. Et si la Pride avait alors provoqué la polémique, le Valais l'accueil pourtant une troisième fois en 2024, 23 ans plus tard. Alors direction: Martigny!

«De Noche Los Gatos Son Pardos»

Ils sont quelques-un.e.s sur le tournage d’un film libertin en costumes dans une forêt du limousin. Actrices et acteurs se donnent la réplique, et répètent les scènes de ce métrage naissant qui doucement prend forme sous nos yeux. Bientôt Valentin (Valentin Merz), le réalisateur, disparaît dans des circonstances étranges. Une enquête se profile et l’équipe tente de terminer le tournage. Robin (Robin Mognetti), chef opérateur et amant du réalisateur, s’envole pour le Mexique.

Inspiré par les préceptes du psychanalyste français Félix Guattari (1930-1992), Valentin Merz (via notre interview) inverse les rôles, et tour à tour le personnel technique devient artiste, les artistes deviennent technicien.e.s. Et «De noche, todos los gatos son pardos» prend une forme étonnante, psychédélique, hypnotisante qui aura de quoi surprendre, dans un hommage discret au cinéma érotique des années 70-80.

«Sous La Peau»

Nés avec des attributs qui ne leur correspondent pas, Söan, Logan et Effie Alexandra ont décidé d’entreprendre des démarches pour changer de genre. De leur coming out à la première prise de testostérone, en passant par les opérations chirurgicales, les rencontres avec leurs professeur.es et les témoignages de leurs proches, le documentaire revient sur les étapes importantes de leur transition que la société peine encore à accepter et à comprendre.

C’est pour mieux comprendre la question de l’identité de genre que Robin Harsch est allé à la rencontre de trois jeunes trans. En évitant toute forme de préjugé et sans porter un quelconque jugement, le récit se construit autour de ces témoignages. Si chacune des thématiques évoquées aurait pu faire l’objet d’un documentaire à part entière tant elles soulèvent des questions intéressantes, le long-métrage privilégie surtout le ressenti des principaux concerné.es.

«Wet Sand»

Face à nous, un homme attablé se livre à un curieux manège. Nous l’ignorons encore, mais c’est ce vieillard distingué, Eliko, ou plutôt son corps et la vie qu’il a quitté, qui seront au cœur des rencontres, découvertes et drames de son entourage. Quelques figures se croisent alors pour préparer ou contrecarrer son enterrement, parmi lesquelles un amant, une petite-fille éloignée et une femme en questionnement, face à l’homophobie ambiante.

Cinéaste non-binaire hélvético-georgien.ne, Elene Naveriani poursuit son exploration des relations humaines marginalisées ou taboues et pose cette fois sa caméra dans un village géorgien, pour raconter ce microcosme où la haine s’oppose aux amours et où les décès suivent de près la révélation des secrets.

«Beyto»

Beyto (Burak Ate) est un apprenti informaticien appliqué et un nageur prometteur qui fait la fierté de ses parents turcs immigrés en Suisse. Le tableau serait idyllique si le jeune homme ne cachait pas son homosexualité. Le secret éclate au grand jour lorsque Beyto s’amourache de Mike (Dimitri Stapfer), son entraîneur. Ses parents décident de partir pour la Turquie afin de lui trouver une fille à marier et ainsi de le remettre sur le droit chemin.

Gitta Gsell fait s’affronter deux univers: l’un en phase avec son temps, dans lequel l’ambiance contagieuse de la Gay Pride se répand à travers les rues helvétiques, l’autre traditionnel dans la campagne turque où une personne homosexuelle est encore considérée comme possédée par le diable. «Beyto» témoigne d’une réalité encore bien présente dans diverses communautés, tragiquement banale et logiquement choquante.

«Monte Verità»

Hanna (Maresi Riegne), jeune femme de la bonne société viennoise à l’existence étouffée dans un carcan bourgeois laisse derrière elle filles et époux. En quête de sens, elle décide un jour de rejoindre son médecin à Monte Verità, communauté d’idéalistes d’avant l’heure aux méthodes révolutionnaires installée dans un sanatorium au Tessin.

Le film de Stefan Jäger se veut féministe, mettant en lumière l’émancipation des femmes à une époque où ces dernières voyaient leur existence strictement définie par des codes sociaux patriarcaux. Enfin, leurs aspirations sont prises au sérieux, mais aussi leurs douleurs, physiques ou psychiques, promptes à être qualifiées de fantaisistes par les médecins de la ville. Une problématique qui trouve aujourd’hui encore tout son écho.

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