Critique18. Januar 2023 Theo Metais
«Babylon» : L’orgie d’un siècle qui découvrait le son par Damien Chazelle
Damien Chazelle signe une œuvre pantagruélique qui se fait le récit de Hollywood dans les années 20 et d’une industrie qui se métamorphose, non sans drame.
En 1920, Hollywood est un lieu magique qui attire les rêveurs du monde tandis que l’industrie cinématographique amorce doucement sa transition. Lors d’une soirée mondaine endiablée, le jeune Mexicain Manny (Diego Calva), qui était venu livrer un éléphant, rencontre une actrice en devenir du nom de Nellie LaRoy (Margot Robbie). Dans la foule se trouve l’illustre Jack Conrad (Brad Pitt), soûl, et alors que Manny le raccompagne chez lui au petit matin, il devient rapidement son assistant. Nellie, quant à elle, est en passe de décrocher son premier rôle. Bientôt, les protagonistes sont en proie à bien des bouleversements alors que se profilent la gloire et le cinéma parlant.
Damien Chazelle reprend à son compte le faste de la cité mésopotamienne et ouvre «Babylon» dans l’antre d’un manoir sur les hauteurs de la cité des Anges. Le directeur d’un célèbre studio y orchestre une bacchanale où le jazz se mêle à l’hédonisme de ses hôtes, au frivole, à la sueur, à la chair, à la drogue et à l’alcool. Un pachyderme traverse l’orgie, Manny Torres (véritable révélation de ce film sous les traits de Diego Calva), transporte le corps d’une femme qui vient de succomber à une overdose. Et dans cette enivrante ouverture en plan-séquence, Damien Chazelle préface le récit à venir.
Pour conter la volte de l’existence de Manny Torres de 1926 à 1952, et celle de Nellie LaRoy, de cette chanteuse hypnotique du nom de Lady Fay Zhu (Li Jun Li) et du trompettiste de jazz afro-américain Sidney Palmer (Jovan Adepo), le cinéaste de 37 ans, oscarisé pour «La La Land» en 2016, offre trois heures d’un film ivre et féllinien. Un film fleuve, choral, touchant, mené à la baguette, dynamisé par un montage d’une précision folle, des décors et des plateaux époustouflants. Nul cinéaste ne saurait être gargantuesque sans frôler l’indigestion de son public. Alors certain.e.s diront peut-être que «Babylon» atteint la limite du style de l’auteur, or, il signe certainement là son film le plus abouti à ce jour.
Ainsi les romances sont secondaires, et du somptueux qui s’effrite transpire une idée de ce monde en perdition alors que le public, hilare, découvre «Le Chanteur de jazz» en 1927. La carrière de Jack Conrad tombe en décrépitude, une journaliste de Photoplay Magazine (Jean Smart) lui rappelle le cycle de vie des Anges à Hollywood et les studios demandent à Sidney Palmer de s’assombrir le visage pour le public du Sud. «Babylon» est à la fois un hommage à l'âge d'or du cinéma hollywoodien et la satire éveillée d’une industrie misogyne, homophobe et raciste qui, de surcroît, s’est façonnée sous l’influence de la drogue. Boudé outre-Atlantique à sa sortie, «Babylon» questionne le monde du divertissement, ses rouages, ses sbires et ses icônes. À la fois magique, bouleversant et frontal, «Babylon» est taillé dans un marbre fait d’or et d’horreur. Et au milieu de cette farce, Manny avait un rêve.
4/5 ★
Plus d'informations sur «Babylon»
Le 18 janvier au cinéma.
Bande-annonce
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