Critique2. Mai 2024 Maxime Maynard
Critique de «Dieu est une femme», une communauté, entre présent et souvenirs
Le cinéaste hélvético-panaméen Andres Peyrot se lance sur les traces de l’œuvre disparue de Pierre-Dominique Gaisseau et brosse un superbe portrait d’une population indigène du Panama, les Kuna.
Sur les îles San Blas, au Panama, vivent les Kuna. Dans les années 70, Pierre-Dominique Gaisseau, légendaire explorateur et documentariste oscarisé grâce à son «Le Ciel et la Boue», décide de passer un an à leurs côtés pour son nouveau projet cinématographique. Mais une fois ce dernier achevé, le film disparaît. Cinq décennies plus tard, les membres de la communauté se souviennent encore du Français, déçus de n’avoir toujours pas pu voir les bobines sur lesquelles ont été capturés les souvenirs de leur histoire et de leurs familles. Un jour, une copie est retrouvée.
Tour à tour monteur, scénariste et directeur de la photographie, Andres Peyrot n’en est pas à son premier projet cinématographique. Avec «Dieu est une femme», le voilà qu’il se lance dans la réalisation. Et quelle réalisation! Grâce à ses expériences passées et un savoir-faire professionnel, il propose un superbe premier long métrage, passionnant et esthétiquement flatteur, présenté à la Settimana della Critica à Venise. Loin d’une certaine sobriété informative propre à de nombreux documentaires, l’Hélvético-panaméen sublime son sujet et transporte la spectatrice et le spectateur dans un merveilleux voyage ethnologique, entre passé et présent, aidé par la photographie de Nicolas Desaintquentin et Patrick Tresch. Avec délice, nous ne pouvons qu’observer, admiratifs, la nature florissante du centre du continent américain, et les superbes couleurs qui éclatent à l’image dans des jeux de superposition de lumière.
«Dieu est une femme»: le titre avait été choisi à l’époque par Pierre-Dominique Gaisseau pour son projet, en référence à l’organisation matriarcale qu’il pensait avoir reconnu chez les Kuna. Aujourd’hui, Andres Peyrot se le réapproprie. Devant sa caméra, les habitants des îles se remémorent les souvenirs du tournage initial des années 70. Avec humour et ironie, ils mettent en lumière les manipulations cinématographiques et mises en scène dont avait recours le réalisateur afin de faire correspondre ses protagonistes à une vision de l’indigène typique de l’imaginaire romantique occidental. Bien décidé à ne pas laisser une nouvelle fois un simple point de vue extérieur manipuler leur histoire, les Kuna se mettent à jour et mélangent, devant la caméra, modernité et traditionnel. Et, doucement, le résultat se transforme en questionnement sur la propriété d’une œuvre cinématographique documentaire. «Dieu est une femme» est un premier long métrage captivant qu’il ne faut pas rater.
4,5/5 ★
Plus d'informations sur «Dieu est une femme»
Au cinéma depuis le 1er mai 2024.
Bande-annonce du film «Dieu est une femme»
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