Critique11. März 2022 Cineman Redaktion
Critique de «Goliath» : Quand la fronde ne suffit plus
Avec ce thriller dramatique autour des mensonges de l’agrochimie sur la dangerosité de leurs pesticides, le réalisateur et coscénariste Frédéric Tellier offre à Pierre Niney un rôle à contre-emploi bienvenu, en le confrontant à Emmanuelle Bercot et Gilles Lellouche dans un combat pour la justice.
Critique de Eleo Billet
D’un côté Mathias (Pierre Niney), lobbyiste aussi charismatique que sans vergogne qui défend les intérêts des géants industriels empoisonneurs notoires. Face à lui, des êtres déchirés qui se battent pour que la vérité éclate. Parmi eux, France (Emmanuelle Bercot) citoyenne ordinaire qui, pourtant, combat avec l’énergie du désespoir pour son compagnon malade. Avec elle, Patrick (Gilles Lellouche), acteur principal de cette tragédie et avocat décidé à faire entendre la voix des victimes.
Ce remède mortel tant disputé s’appelle la Tetrazine, sorte d’ersatz imaginaire de Glyphosate et d’agent orange, au centre de tous les débats alors que le vote sur l’autorisation de son renouvellement approche. Il s’insinue partout : dans la plaidoirie déterminée de Patrick comme dans le corps de Zef, le compagnon de France, dont le cancer est considéré comme dommage collatéral ; dans les démentis de ses partisans, pour finir dans les poches des beaux parleurs comme Mathias, sans que personne ne réagisse.
Mais «Goliath» ne s’arrête pas à ce triste constat. Un autre drame va enclencher les mécanismes de pression et pousser des personnages à révéler ce scandale. Car après la perte de son procès qui ouvre l’œuvre, Lucie, la formidable et touchante Chloé Stefani, agricultrice qui porte le deuil de sa compagne, se suicide devant le siège de l’entreprise responsable. Ébranlé et décidé à se racheter une conscience, Patrick devient la défense, d’abord des défuntes, puis de toutes les victimes de ce pesticide, tant sa volonté redonne de l’espoir aux âmes bafouées. Ce faisant, il plonge tête baissée dans le cloaque de la corruption et des menaces de morts, où les intérêts économiques priment sur les vies humaines et où les préoccupations écologiques et le destin des paysans ne sont qu’excuses pour mieux vendre.
L’affect, toujours, entrave la compréhension des enjeux...
C’est d’ailleurs la partie la plus intéressante du long-métrage, loin du récit simpliste de la vie familiale et des motivations des protagonistes, qui tire vers le mélodrame dans le cas de France, ou dans la caricature lorsque sont opposés les fêtes villageoises et les petits fours de l’Élysée. Aussi, la caméra se pose enfin lorsqu’elle suit les arrangements, stratégies offensives et autres fascinantes manipulations médiatiques dirigées par Mathias, l’ordure en costard. Ou lorsque Goliath fait mine de prendre en pitié le peuple ennemi pour mieux décrédibiliser David.
Malheureusement, jamais le réalisateur ne parvient à retranscrire la colère et la détresse populaire, même lors des marches blanches et manifestations violentes. L’affect, toujours, entrave la compréhension des enjeux. Bancal tant dans son rythme que sa mise en scène, il ne propose d’envolées que lors des scènes finales, trop tardives pour faire de «Goliath» un outil intéressant de dénonciation des pratiques peu scrupuleuses des entreprises pharmaceutiques comme agrochimiques. D’autant que la comparaison est rude avec d’autres récents thrillers français comme «Rouge» ou «En Guerre». Malgré sa distribution, le long-métrage reste trop inégal et convenu pour convaincre.
3/5 ★
Le 9 mars au cinéma
Plus d'informations sur «Goliath».
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