Critique16. März 2022 Cineman Redaktion
Critique de «Notre-Dame brûle» - La reconstitution enflammée de Jean-Jacques Annaud
Presque trois ans après l’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame et bouleversé le monde entier, Jean-Jacques Annaud s’empare de l’histoire, chère à son cœur, pour retracer heure par heure l’événement. Volonté ambitieuse qui ferait date si elle n’était pas sabordée par une forme qui tutoie les pires films catastrophes étasuniens.
(Une critique de Eleo Billet)
Paris Is Burning
Paris, 15 avril 2019, il est 18 heures passées et après une journée monotone pour la Cathédrale, une première alarme incendie retentit lors de la messe. Bien vite l’alerte est levée alors que déjà de la fumée s’échappe des combles. Une deuxième alarme fait suite et c’est le branle-bas de combat. Dès lors, s’engage une course contre la montre pendant plus de quinze heures, durant lesquelles conservateurs de l’édifice et soldat.e.s du feu luttent contre les flammes et la ville encombrée.
Sa majesté Notre-Dame
Dans ce drame, aucune victime à déplorer si ce n’est l’édifice religieux qu’il reste à rebâtir. Mais quoi de mieux comme sujet de film à grand spectacle qu’un événement qui a tenu en haleine des millions de personnes, d’autant qu’il fut immortalisé par de nombreuses vidéos. Dispersées dans le long-métrage comme autant de rupture avec la fiction, celles-ci ont permis tantôt aux comédiens de réinterpréter les sentiments saisis sur le vif, tantôt d’appuyer l’universalité de l’émoi des témoins, au-delà de leur foi personnelle. Cela n’empêche cependant pas le réalisateur de multiplier les critiques déplacées sur l’usage de la technologie par les jeunes.
le film reste limité par son propre sujet...
Allumer le feu
Avec son montage kaléidoscopique, Jean-Jacques Annaud précise ses envies. Certes, quelques passages du récit sont romancés, mais ils permettent de lier les événements tels qu’ils furent relatés par les pompiers. Surtout, le film parle d’un incendie dont l’origine reste débattue. Le réalisateur cherche moins à imposer sa vision sur ce qui reste inconnu, qu’à révéler ce qui est toujours caché du grand public. Malheureusement, ce même découpage ne parvient jamais à assurer un suspens durable ou à superposer les actions des personnages aux quatre coins de la ville, sans risquer d’affaiblir le rythme du film. Le sommet de l’absurdité étant atteint lorsque la lutte contre le feu est délaissée pour ironiser sur un chat coincé.
Du grandiose à petit feu
Non seulement les individus en place sont trop nombreux pour être efficacement caractérisés, mais Jean-Jacques Annaud et son co-scénariste Thomas Bidegain se permettent en plus d’en inventer, pour permettre, à la façon de Roland Emmerich, une identification à tout âge. Quelques figures masculines surnagent toutefois ce chaos ambiant et scénaristique : le général Gontier (Samuel Labarthe), l’adjugant-chef Joël (Jérémie Laheurte) et le régisseur Laurent Prades (Mikaël Chirinian). Mais les péripéties qu’ils traversent sont si ridicules, que jamais elles ne semblent retranscrire la réalité, aussi invraisemblable soit-elle. D'autant plus qu'il n'y a aucun personnage pour qui éprouver de l’empathie. Bien que la démarche déborde de sincérité comme d’amour, à l’image d’un des pompiers prêt à se sacrifier pour sauver le monument, le film reste limité par son propre sujet. La caméra tremblotante ne parvient jamais à restituer le grandiose et l’intemporalité de la Cathédrale.
Un manque de nuance
Se voulant une épopée de tous les instants à travers l’eau, le feu et les embouteillages parisiens, le long-métrage finit par sombrer dans la surenchère. Ni la reconstitution époustouflante, ni les effets pyrotechniques et pratiques réussis ne lui permettent d’atteindre ses ambitions revendiquées. Le coup de grâce est porté par un ensemble de clichés à l’américaine : des pompiers super-héros, une musique de tension assourdissante et symbolisme grotesque - la statue de la Vierge éplorée, la bougie restée allumée ou la lumière sainte lors du sauvetage des reliques. Au cœur de la fournaise, la chaleur n’a pu faire fondre l’ennui et la consternation.
2,5/5 ★
Le 16 mars au cinéma
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