Critique26. Juli 2024

«Futurs champions, le prix de la gloire» sur Arte, la sinistre rançon du succès dans le sport de haut niveau

«Futurs champions, le prix de la gloire» sur Arte, la sinistre rançon du succès dans le sport de haut niveau
© ARTE France – Cinétévé

Violences physiques, psychologiques, blessures; à l'approche de l'ouverture des Jeux Olympiques de Paris, le documentaire de Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac dévoile les arcanes tragiques du sport de haut au niveau chez les enfants.

Aujourd'hui, il est impossible d'envisager une carrière sportive internationale si celle-ci n'est pas démarrée à l'âge de 4 ou 5 ans, nous apprend le documentaire. Et c'est au nom de cet idéal que le corps et le mental des mineurs sont mis à rude épreuve. Troubles de l'alimentation, de la croissance, dépressions, humiliations, violences physiques, sexuelles, harcèlement moral, le journalise d'investigation Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac (déjà réalisateur de «Violences sexuelles dans le sport, l’enquête», aussi diffusé sur Arte) recueille de précieuses confidences et déconstruit le mythe de cet entraînement d'élite.

Les scandales sont récents et la parole se libère. À 14 ans, Coline Weber est évincée du prestigieux pôle France de gymnastique de Marseille après avoir parlé de son calvaire et dénoncé les pratiques de son entraineur Vincent Pateau. Outre-Manche, l’ancienne gymnaste Claire Heafford, fondatrice de l’association Gymnast for Change, mène, tambour battant, un périlleux combat pour éveiller les consciences des fédérations. Au Canada, l'ancienne nageuse Gabrielle Boisvert a déclenché une vague de dénonciations après avoir dénoncé publiquement les méandres de sa discipline. Autant de témoignages qui viennent s'ajouter à ceux du footballeur Thierry Henry, du nageur Michael Phelps ou encore de la gymnaste Simone Biles.

Célèbre photo de Kerri Strug et Béla Károlyi aux JO d'Atlanta en 1996 © ARTE France – Cinétévé

«Futurs champions, le prix de la gloire» entend donc déconstruire l'exceptionnalisme du sport de haut niveau. Le sociologue canadien Peter Donnelly s'indigne d'ailleurs en ces termes : «S’il y avait autant de blessures dans n’importe quel autre domaine de la vie des enfants, le gouvernement interviendrait immédiatement». Le chirurgien Mininder Kocher s'étonne, quant à lui, de voir la violence toujours croissante des blessures chez les enfants qui lui sont amenés et souligne l'alarmante précocité des pratiques de compétition.

Le documentariste rappelle que ces pratiques de sélection chez les enfants remontent à la Guerre Froide, là où les résultats sportifs permettaient de mesurer le prestige entre les États. Exemple célèbre, la gymnaste roumaine Nadia Comăneci, qui aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976, décroche une médaille et la note exceptionnelle de 10, à l'âge de 14 ans. C'est d'ailleurs son entraineur, Béla Károlyi, qui sera choisi pour accompagner l'athlète Kerri Strug à Atlanta en 1996, elle qui, lors d'un dernier saut, décroche la médaille d’or pour les États-Unis avant de se déchirer les ligaments à la réception au sol. Du point de vue de l'héroïsme sportif, ces prouesses entreront dans la légende, or le documentaire questionne le bien-fondé de ces performances, la bonne-foi des équipes médicales et la santé des athlètes à l'heure où les enjeux économiques du marché du sport et des droits de télévisions crapahutent à des taux records.

Ainsi, Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac signe une enquête édifiante, d'une actualité brûlante, et ouvre la réflexion sur le cas particulier de la Norvège qui semble avoir une conception plus modérée et respectueuse des entraînements de haut niveau. «Futurs champions, le prix de la gloire» est un documentaire sensible, mais que nous vous recommandons chaudement.

4/5 ★

A découvrir sur Arte.tv à partir du 16 juillet.

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