Critique24. April 2024 Theo Metais
«Edward Hopper : une histoire américaine» sur Arte, un mythe de peinture et de cinéma
De son enfance solitaire, à sa fascination pour la lumière et Alfred Hitchcock, «Edward Hopper : une histoire américaine» dresse le portrait du peintre, de sa vie, et de ses amours, auxquels les œuvres sont intimement liées. À découvrir bientôt sur Arte et Arte.tv.
Issu d’une riche famille de négociants, en juillet 1882, sur les berges du fleuve Hudson, un certain Edward Hopper voit le jour à Nyack, village pittoresque de l’État de New-York. Contemporain de l’illustrateur Norman Rockwell, figure majeure du réalisme américain, le documentaire du Britannique Phil Grabsky (qui s’était intéressé à Monet, Picasso et Raphaël) utilise ses journaux intimes et de riches entrevues avec des experts pour nous conter la volte de la vie d’Hopper.
De ses lignées épurées où hibernent le spleen et l’absence, aux paysages urbains gorgés de lumière, si l’œuvre d’Edward Hopper est passée à la postérité, ce sont finalement ses travaux les plus tardifs qui ont marqué l’imaginaire collectif et, de surcroît, la pop culture. Prenons «Nighthawks» par exemple, certainement son tableau le plus emblématique dans lequel quatre protagonistes se retrouvent attablés dans la pénombre d’un café. Le tableau date de 1942, l’artiste était alors âgé de 60 ans. Ainsi, «Edward Hopper : une histoire américaine» nous emporte au-delà de la légende urbaine. Désacralisant presque le mythe, Phil Grabsky rappelle ses débuts alimentaires en tant qu’illustrateur et sa période tumultueuse à Paris chez les évangélistes au tout début du XXe siècle.
De son périlleux mariage avec l’artiste peintre Josephine Nivison (Hopper), qui mit sa carrière en retrait pour ne pas ombrager celle de son époux, au tempérament explosif et taciturne méconnu du peintre, le documentaire de Phil Grabsky permet aussi de remettre en perspective le prix de la notoriété dans les années 50 et le dialogue, toujours passionnant et parfois grinçant, entre les œuvres, leurs auteurs et leurs époques.
Contemporain de la Grande Dépression et des mutations métropolitaines du XXe siècle (la construction de l’Empire State Building, par exemple), le pinceau d’Hopper est aussi devenu le véhicule d’une exploration de la condition humaine au cœur d’un imaginaire magnétique. Par son calme, sa volupté et sa capacité à s’être mise en retrait de la modernité - quitte à avoir parfois manqué de véritablement observer ses semblables-, Edward Hooper a livré un imaginarium où s’est cristallisé le vague à l’âme à l’aube d’une nouvelle ère.
Adulé, fantasmé, si le travail visuel d’Hopper fascine, c’est aussi pour sa résonance avec l’histoire du 7ᵉ art. Cinéphile, il pouvait, apprend-on, passer une semaine au cinéma. À l’occasion d’une exposition à Bâle en 2020, Wim Wenders, dira de lui que «ses tableaux sont les plans de films qui n’ont jamais été tournés». «Marty» (1955) de Delbert Mann le fascine autant que «L'Inconnu du Nord-Express» (1951) d’Alfred Hitchcock qu’il l’admire tout autant. Une admiration mutuelle portée aux firmaments alors que la maison d’Anthony Perkins dans «Psycho» (1960) n’est autre qu’un élégant clin d’œil d’Hitchcock au tableau «House by the Railroad» peint en 1925.
Durant 50 minutes, «Edward Hopper : une histoire américaine» épluche, sans écorcher, un emblème qui méritait bien d’être (re)confronté à la réalité de son temps. En découle un documentaire délicieux et captivant.
Un documentaire à découvrir à partir du 28 avril sur Arte.tv et du 5 mai sur Arte.
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