Critique11. Oktober 2023 Theo Metais
«La Chute de la maison Usher» sur Netflix, quand Edgar Allan Poe rencontre la crise des opioïdes
Mike Flanagan adapte Edgar Allan Poe et nous emporte dans les méandres d’un empire pharmaceutique. «La Chute de la maison Usher» pourrait bien être votre nouveau cauchemar éveillé. Décryptage!
Confidences pour confidences
Adaptant la nouvelle éponyme du maître Edgar Allan Poe (publiée initialement en 1839), en 2023, les redoutables Roderick (Bruce Greenwood) et Madeline Usher (Mary McDonnell) sont devenus les papes de l’industrie pharmaceutique, à la tête d’un véritable empire du nom de Fortunato Pharmaceutique. En procès contre les États-Unis, qui les accuse d’une liste immense de crimes fédéraux, l’empire tremble alors que Roderick enterre un à un ses héritiers. Les évènements surviennent dans des circonstances pour le moins étranges et un soir, contre toute attente, Roderick invite l’avocat de la partie civile (Carl Lumbly) dans sa demeure d’enfance. Magnéto au point, il dit vouloir lui avouer tous ses crimes. Ainsi s’entament une nuit sans lune et une liste de révélations venues d’un autre monde.
Depuis l’effroyable série «The Haunting of Hill House» en 2018 et la terrifiante «Midnight Mass» en 2021 (parmi les meilleures séries horrifiques du 21e siècle selon Indiewire), le créateur Mike Flanagan s’est imposé comme l’une des nouvelles vedettes de l’horreur : une horreur singulière, psychologique, au service de métaphores sociales et de récits hypnotiques, lesquels questionnent les addictions et les affres de notre temps. Après le deuil, la religion et la foi, voilà que le couperet tombe sur l’industrie pharmaceutique. Ainsi, «La Chute de la maison Usher» marche dans les pas du puissant «Toute la beauté et le sang versé» de Laura Poitras sur la responsabilité de l’empire Sackler dans la crise des opioïdes aux États-Unis.
L’horreur du réel
Projet ambitieux déployé sur huit épisodes (d’environ une heure chacun), les fidèles de Mike Flanagan y reconnaitront des visages (Kate Siegel, Ruth Codd, Samantha Sloyan, T'Nia Miller, Rahul Kohli...), le cinéaste aime sa troupe. Bruce Greenwood (déjà croisé dans «Doctor Sleep» en 2019) et Mary McDonnell (nouvelle venue et croisé notamment à l’affiche du célèbre «Donnie Darko» en 2001) interprètent ses deux frères et sœurs, à la tête d’un empire pharmaceutique gigantesque, et dont l’ascension prendrait racine dans un bar dans les années 80, là où un pacte aurait été conclu avec un étrange personnage (incarné par Carla Gugino, impressionnante dans une partition fleuve).
Huit épisodes intenses, effroyablement poétiques, hallucinants et hallucinés, à vivre comme des traumatismes infusés à feux doux. Aussi classique soit l’entame, les récits épisodiques de la mort des enfants de la dynastie Usher oscillent entre le kitsch et l’asphyxie. Huit épisodes à la croisée des mondes, portés par des titres empruntés aux fables d’Edgar Allan Poe - «The tell-tale heart» (un épisode à couper le souffle), «The Masque of The Red Death» -, et l’occasion de faire la lumière sur ce monstre pharmaceutique et les responsabilités individuelles. Enfin, pour celer le plaisir cinéphile que nous offre Flanagan, la présence mystique de Mark Hamill (presque méconnaissable) dans le rôle de l’avocat de la famille Usher.
Une structure peut être un peu inégale, mais une réalisation d’un magnétisme fou. Pour ce qui semble être son dernier projet pour l’écurie Netflix (avant son départ pour Amazon), Mike Flanagan signe une libre, cinglante et terrifiante modernisation des écrits d’Edgar Allan Poe.
4/5 ★
Sur Netflix à partir du 12 octobre.
Bande-annonce de «La Chute de la maison Usher»
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